La chambre d'ami


Cette chambre a surtout été occupée par Louise Breugniot, surnommée Mme de Brugnol (ou de Breugnol) par le romancier – qui l'a anoblie comme il s'est anobli lui-même une dizaine d'années plus tôt – et devenue sa gouvernante au moment où il s'est installé rue Raynouard. Si Balzac louait la maison au nom de « M. de Breugnol », c'est aussi parce qu'il entretenait des relations très intimes avec sa gouvernante. Celle-ci devint aussi sa représentante auprès des éditeurs et des journaux.

C'est la poétesse Marceline Desbordes-Valmore qui recommanda à Balzac Louise Breugniot, jeune femme timide, passionnée et peu éduquée qu'elle avait prise sous son aile. Les premières années, Louise apporta au romancier tout ce qu'il lui fallait pour se consacrer à son œuvre : une présence discrète, un soutien quotidien et une protection contre les importuns. Elle refoulait quiconque ne connaissait pas les mots de passe nécessaires pour pénétrer dans la maison. Elle tenait sa table avec économie et était capable de négocier avec bon sens et fermeté les affaires de Balzac. Détail non négligeable : elle préparait un café délicieux. L'écrivain l'appelait la « femme-chien » pour sa docilité et sa fidélité.

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Louise Breugniot.

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Mais Louise Breugniot n'était pas prête à partager son maître avec une autre. Peut-être espérait-elle l'épouser un jour, trompée par des promesses inconsidérées de sa part.
En décembre 1840, Balzac propose à sa mère de venir habiter avec lui. Elle est à sa charge et il trouve plus économique de procéder ainsi. C'est sans compter le caractère de Louise et celui de Mme Balzac. Le séjour de cette dernière rue Raynouard s'achève plus tôt que prévu, l'été suivant. Elle a eu le tort de mettre le nez dans la vie de son fils, domaine réservé de Louise.
Mme Balzac écrit alors à sa fille Laure : « Je n'incrimine personne. Mme de Brugnol est bonne par nature. Si elle manque, c'est involontairement. Cette femme est la probité et la délicatesse mêmes. Je lui cède la place sans crainte. Elle aime Honoré ; elle en aura bien soin... Je pense que la pauvre Mme de Brugnol ne sera jamais dangereuse près d'Honoré. La malheureuse créature a éprouvé bien des tourments, bien des tribulations... Je t'assure, elle est à plaindre ; j'espère qu'Honoré, aussitôt qu'il le pourra, lui fera un sort... C'est bien juste, car elle retient beaucoup Honoré sur les dépenses et empêche bien des folies. »

Lorsqu'Évelyne Hanska séjourne à Paris l'été 1845, elle réalise vite quelle est la nature des relations tissées entre Louise Breugniot et Balzac et exige aussitôt le départ de la gouvernante. Lorsqu'il apprend à Louise qu'il souhaite bientôt se séparer d'elle, elle reçoit cette annonce comme une trahison, alors qu'elle estime avoir tant fait pour lui. Une atmosphère lourde s'installe dans la maison, l'écrivain ne se résolvant pas à mettre à la porte sa gouvernante (soutenue par Mme Balzac et sa fille), et celle-ci ayant décidé de se venger de Mme Hanska et de Balzac. Ce dernier appelle maintenant Louise « la Chouette ». Elle exige, pour partir, que Balzac lui trouve un bureau de Timbre, ce qu'elle obtient en 1846. Mais, avant de quitter la rue Raynouard, elle commet un acte irréparable l'été 1847, à la fin d'un séjour parisien de Mme Hanska : elle vole vingt-deux lettres écrites par cette dernière au romancier et la menace contre rançon de transmettre ces lettres à sa fille et à son gendre. Elle espère la discréditer aux yeux de sa famille en Pologne et faire ainsi annuler le projet de mariage. Balzac acceptant de payer, elle rend les lettres, qu'il brûle aussitôt.

Louise lui inspire le personnage de Mme Cibot, concierge du Cousin Pons : « Une portière à moustaches est une des plus grandes garanties d'ordre et de sécurité pour un propriétaire. Si Delacroix avait pu voir madame Cibot posée fièrement sur son balai, certes il en eût fait une Bellone ! » (Le Cousin Pons) Dans le roman, Pons se méfie de Mme Cibot comme Balzac se méfie de Louise Breugniot.
La laideur et l'esprit rancunier de la cousine Bette ont aussi à voir avec le caractère de Louise Breugniot : « ses sourcils épais réunis par un bouquet, sa face longue et simiesque laissent deviner derrière la paysanne des Vosges un caractère de sauvage.  » (La Cousine Bette)

La collection muséale

La salle présente des plaques typographiques réalisées sur dessin de Charles Huard (1874-1965) et gravées sur bois par Pierre Gusman (1862-1942) pour illustrer l’édition Conard des Œuvres complètes de Balzac (1912-1940). Elles sont complétées par des matrices du XIXe siècle, parmi lesquelles on peut en retrouver quelques-unes qui ont été utilisées pour l'édition Furne (1842-1848), la première édition illustrée de La Comédie humaine et la seule qui ait été entièrement contrôlée par Balzac.

Plan

Prochaines étapes

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