Le 47 rue Raynouard


Le 16 novembre 1840, Honoré de Balzac demande à son amante, Évelyne Hanska : « Écrivez-moi à l'adresse suivante : Monsieur de Breugnol, rue Basse, n° 19, à Passy, près de Paris. Je suis là, caché pour quelque temps. » Il vient de déménager à l'actuel 47 rue Raynouard qui sera son port d'attache jusqu'en 1847.
Il se dissimule sous une fausse identité pour échapper à ses créanciers.
Dans sa nouvelle Un Homme d'affaires, il fait dire au dandy Maxime de Trailles qui reçoit un créancier : « Si vous pouvez me voler le montant de votre créance, je serai votre obligé, monsieur : vous m'aurez appris quelque précaution nouvelle à prendre » !

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Eugène Atget ?, Entrée de la Maison de Balzac, Paris.

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Entrée de la Maison de Balzac, Paris.

Ainsi, alors que tous ses amis artistes et écrivains habitent le Paris tout proche, Balzac vit ici à part dans ce qui est alors le village de Passy, réputé pour ses sources thermales.
Aux alentours, les deux seuls bâtiments concernés par cette époque sont le 42 rue Raynouard, où le chansonnier Béranger vit dans les années 1833 – 1835, et ce qui est aujourd'hui l'ambassade de Turquie, que nous découvrirons plus tard.
Parmi les différentes demeures de l'écrivain dans la capitale, le 47 rue Raynouard est celle de la dernière ligne droite de la vie et de l'œuvre de Balzac, celle où s'est véritablement déployée la grande fresque de La Comédie humaine, celle, aussi, où son histoire d'amour avec Évelyne Hanska débouche enfin sur des espoirs de vie commune. La maison s'est ouverte partiellement au public en 1908, puis sur ses différents niveaux en 1960, une fois les locataires des étages inférieurs partis.

La maison telle qu'on la découvre aujourd'hui était, à l'époque de Balzac, cachée depuis la rue par un autre bâtiment qui s'élevait le long du mur d'entrée actuel et qui a été détruit en 1937. Tous deux faisaient auparavant partie de l'hôtel de Jean de Julienne, célèbre teinturier des Gobelins, protecteur du peintre Antoine Watteau, devenu plus tard l'hôtel du financier Auguste Louis Bertin, caissier général du Roi de 1742 à 1788. La maison même dans laquelle s'installa Balzac était connue auparavant comme la Folie-Bertin: Bertin la fit construire à la place d'une salle de théâtre pour y loger, le temps de leur relation, l'actrice Adélaïde-Louise-Pauline Hus de la Comédie Française, aussi connue sous le nom de Mademoiselle Hus.

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Eugène Atget, Escalier de l'Hôtel Julienne, Maison Balzac, Paris.

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Démolition de l'Hôtel Julienne, Rue Raynouard, Paris.

La maison que Balzac loue rue Basse est le second étage d'un bâtiment dont le rez-de-chaussée est le numéro 24 de la rue du dessous, la rue Berton qui s'appelait alors rue du Roc. Son propriétaire est un boucher de Passy, Etienne Désiré Grandemain. Balzac occupait le deuxième étage de cette maison avec une gouvernante, Louise Breugniot, qui fut aussi sa maîtresse. Mais le couple était loin d'être seul ! En effet, l'étage inférieur était occupé par de nombreux locataires, qui seront souvent très bruyants au goût de l'écrivain.

Fin 1840, il a fui sa propriété des Jardies à Sèvres, en situation de déroute financière. Jamais à court de stratagèmes, Balzac parvient à se revendre sa propre demeure par le truchement d'un homme de paille, et pour un cinquième du prix qu'elle lui avait réellement coûté ! Grâce à ce subterfuge, ses créanciers ne peuvent rien récupérer du produit de la vente. Si certains d'entre eux sont accommodants (tel son ancien jardinier... dénommé Brouette, qui accepte de patienter), d'autres continuent de le poursuivre. Et si la police met la main sur lui, c'est la prison qu'il risque de connaître pour cause de dettes. Il a déjà connu celle de « l'hôtel des haricots », la maison d'arrêt de la Garde nationale, pour s'être dérobé plusieurs fois à ses obligations de service.

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La Maison de Balzac vue de la Rue Berton, Paris.

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La Maison de Balzac vue de la rue Raynouard.

L'appartement de la rue Raynouard est de taille modeste. Il se compose d'une salle à manger (face à l'entrée actuelle), à gauche de laquelle se trouve une chambre d'amis. La chambre de l'écrivain est située à droite de l'entrée, suivie par un petit salon et enfin, d'un cabinet, par le bureau. La cuisine se trouvait à l'emplacement de la caisse du musée. Elle comprend un corps de logis flanqué de deux ailes symétriques. 

Plusieurs propriétaires et locataires s'y sont succédé dès le 18e siècle: un protecteur de Watteau nommé Jean de Jullienne, le peintre du roi Noël Hallé, un financier du nom de Bertin de Blagny, des artistes de la Comédie-française, ou encore un boucher de Passy, Etienne Désiré Grandemain, dont Balzac sera un des locataires.

Jusqu'en 1937, date des travaux d'élargissement de la rue Raynouard, l'hôtel principal, bâti par Noël Hallé, s'élevait à l'emplacement actuel du mur d'entrée. La maison n'était donc pas visible depuis la rue Basse : c'était pour l'écrivain une cachette idéale.

On raconte qu'il existait un escalier dérobé dans la maison de Passy, escalier que l'écrivain aurait emprunté pour fuir ses créanciers.
Sur une photographie de René Messager, antérieure à 1949, on peut voir une trappe donnant sur un escalier mais ce dernier ne menait qu'au premier étage. Quant à la trappe, située dans un réduit à droite de la salle à manger, on ne sait pas si elle existait du temps de Balzac. C'est donc par un deuxième escalier, non dérobé, que l'écrivain pouvait s'enfuir par la rue Berton.

Depuis 1913, la maison de Balzac est classée au titre de Monument historique. Son jardin figure à l'inventaire supplémentaire depuis 1944

À la différence de la plupart de ses autres résidences parisiennes qu'il décrit dans son œuvre ou dans sa correspondance, Balzac semble faire peu de cas de cette demeure dont on ne sait relativement que peu de choses.

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La maison de Balzac vers 1947, Paris.

 

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