L'hôtel de Cluny


Nous retrouvons à cette adresse l’un des personnages de Balzac que nous avons déjà rencontré lors d’une précédente étape, Lucien de Rubempré. 

Arrivé depuis peu à Paris, Lucien de Rubempré qui a grandit à Angoulême, se retrouve seul et s'installe dans une chambre au 4e étage de l’hôtel de Cluny, qui se trouve 8, rue Victor Cousin (autrefois rue de Cluny). Journaliste, poète et écrivain, il va s'échiner à écrire un roman que tous les éditeurs refuseront. Cet épisode de la Comédie humaine n’est pas sans rappeler ceux que connut Balzac à ses débuts :  « Pendant les premiers jours de son installation à l'hôtel de Cluny, écrit Balzac dans Les Illusions perdues, Lucien, comme tout néophyte, eut des allures timides et régulières. Après la triste épreuve de la vie élégante qui venait d'absorber ses capitaux, il se jeta dans le travail avec cette première ardeur que dissipent si vite les difficultés et les amusements que Paris offre à toutes les existences, aux plus luxueuses comme aux plus pauvres, et qui, pour être domptés, exigent la sauvage énergie du vrai talent ou le sombre vouloir de l'ambition. » 

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Lucien de Rubempré

Lorsqu'il compose ces lignes au milieu des années 1830, Balzac se remémore les années qu'il a passées dans sa mansarde de la rue Lesdiguières en 1819-1820 ou dans celle de la rue de Tournon en 1824-1826, s'isolant lui aussi pour consacrer toute son énergie à l'écriture et prenant sa sœur pour confidente de ses efforts, de ses doutes et de ses espoirs (il puisera de la même façon dans ses premières expériences avec la presse pour décrire celles de Lucien).
De sa chambre de l'hôtel de Cluny, Lucien écrit lui aussi à sa sœur :  « Ce pays est celui des écrivains, des penseurs, des poètes. Là seulement se cultive la gloire, et je connais les belles récoltes qu'elle produit aujourd'hui. Là seulement les écrivains peuvent trouver, dans les musées et dans les collections, les vivantes œuvres des génies du temps passé qui réchauffent les imaginations et les stimulent. Là seulement d'immenses bibliothèques sans cesse ouvertes offrent à l'esprit des renseignements et une pâture. Enfin, à Paris, il y a dans l'air et dans les moindres détails un esprit qui se respire et s'empreint dans les créations littéraires. On apprend plus de choses en conversant au café, au théâtre pendant une demi-heure qu'en province en dix ans. Ici, vraiment, tout est spectacle, comparaison et instruction. Un excessif bon marché, une cherté excessive, voilà Paris, où toute abeille rencontre son alvéole, où toute âme s'assimile ce qui lui est propre. Si donc je souffre en ce moment, je ne me repens de rien. Au contraire, un bel avenir se déploie et réjouit mon cœur un moment endolori. »  (Les Illusions perdues).
Pour Lucien de Rubempré, la capitale offre toute les ressources possibles pour se faire un nom et gravir les échelons de la société. Source d’inspiration, d’illusion et d’espoir, elle est aussi source de souffrance, comme en témoigne Lucien dans sa lettre. 

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Arthur Rimbaud

L'hôtel s'orne par ailleurs d'une plaque en souvenir d'un autre jeune auteur plein d'ambition : Arthur Rimbaud, qui y a occupé une chambre en juin 1872 mais en a gardé moins de souvenirs. Seul trace dans sa correspondance, ce qu'il en décrit alors à son ami Ernest Delahaye : « En ce moment, j'ai une chambre jolie, sur une cour sans fond mais de trois mètres carrés. La rue Victor-Cousin fait coin sur la place de la Sorbonne par le café du Bas-Rhin, et donne sur la rue Soufflot, à l'autre extrémité. Là, je bois de l'eau toute la nuit, je ne vois pas le matin, je ne dors pas, j'étouffe. Et voilà... »

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