Introduction


Balzac est – avec le Hugo des Misérables – le romancier qui donne les plus saisissantes descriptions du Paris de la première moitié du XIXe siècle. C'est à ses yeux la cité qui accueille et héberge toutes les ambitions de la bourgeoisie portée au pouvoir par 1789. Des ambitions vouées le plus souvent à l'échec (sauf pour Eugène-Louis de Rastignac, principal personnage de La Comédie humaine, qui deviendra comte, pair de France et ministre de la Justice), car, pour Balzac, la société s’est perdue en 1789 en accordant tous les droits à l’individu et en délaissant l’autorité, la morale et la religion. Telle est la vision du père de La Comédie humaine, qui appelle de tous ses vœux le retour des Bourbons au pouvoir.

Vers 1834, alors qu'il écrit Le Père Goriot, il a une intuition qu'aucun autre écrivain n'avait eue avant lui : faire réapparaître ses personnages d'un roman à l'autre afin d'embrasser des centaines de destins qui, tous réunis, donneront l'image de la société française.
Lorsque le romancier disparaît prématurément en 1850,  La Comédie humaine compte quelques 2000 personnages, dont environ 600 sont récurrents. L’un d’entre eux, Rastignac, y apparaît à vingt-six reprises. Personnage emblématique de l’œuvre de Balzac, il est notamment connu pour son esprit calculateur et son arrivisme.
Du bas en haut de l'échelle sociale, les personnages de La Comédie humaine pratiquent tous les métiers et habitent différents quartiers de la capitale, à l'exception notable des quartiers très populaires que Hugo décrit dans Les Misérables, ou encore Eugène Sue dans Les Mystères de Paris. À la différence de ses deux contemporains poussés par leur engagement social et politique, Balzac n'a pas eu cette connaissance et cet intérêt pour le petit peuple.
L’auteur de La Comédie humaine a habité lui-même une dizaine d'adresses parisiennes, sans compter les logements d'amis – et surtout d'amies – qui l’accueillent afin d’égarer les recherches des créanciers et de la police. En effet, l'écrivain ne paie pas toujours ses dettes et ne respecte pas ses obligations d'effectuer son service régulier à la Garde nationale.

Balzac possède ainsi une connaissance intime de la capitale qui, liée à son sens de l'observation, lui permet de choisir précisément l'endroit où chacun de ses personnages va vivre. Il le dit lui-même : « À Paris, il en est des appartements et des maisons comme des rues, elles ont des prédestinations » (Un Début dans la vie).

La ville de Paris est alors plus petite qu’elle ne l’est aujourd'hui, contenue par l’enceinte des Fermiers généraux construite peu avant 1789. Ses limites sont au sud le boulevard Saint-Jacques, à l'ouest le boulevard de Grenelle, à l'est le boulevard de Charonne et au nord le boulevard de Rochechouart. La numérotation des rues a débuté en 1805, ce qui permet de situer les lieux plus précisément qu'auparavant, lorsque l'on en était réduit à prendre comme points de repère les églises, les marchés, les bornes ou les hôtels de la noblesse.

Notre balade balzacienne va nous emmener dans des quartiers dont la plupart des rues ont conservé un air des siècles passés.  Elle nous montrera un Balzac qui, tel Rastignac défiant Paris, cherche avec une énergie incroyable comment conquérir la capitale, à coup de projets d'entreprises et de projets littéraires plus ou moins heureux. Elle nous montrera surtout les liens qui existent entre l’écrivain et ses personnages au sein du Paris du XIXème siècle.

Les promenades sont divisées en deux guides séparés qui nous mènent dans les quartiers du Marais et de Saint-Germain, ainsi qu'à la maison de Balzac à Passy (objet de ce guide).  

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