Rue des Petits Champs


Le n°57 de la rue des Petits-Champs correspond au premier « nid » du couple Jean-Jacques/Thérèse. Rousseau et sa jeune compagne y ont logé de décembre 1746 à l’automne 1747, sans doute dans une mansarde sous les toits. D’après le Dictionnaire historique des rues de Paris de Hillairet, l’immeuble actuel est celui que connut Rousseau : « Quand j'allai loger dans la rue Neuve-des-Petits-Champs, j'avais à l'hôtel de Pontchartrain, vis-à-vis mes fenêtres, un cadran sur lequel je m'efforçai durant plus d'un mois à lui faire connaître les heures. A peine les connaît-elle encore à présent. Elle n'a jamais pu suivre l'ordre des douze mois de l'année, et ne connaît pas un seul chiffre, malgré tous les soins que j'ai pris pour les lui montrer. Elle ne sait ni compter l'argent, ni le prix d'aucune chose. Le mot qui lui vient en parlant est souvent l'opposé de celui qu'elle veut dire. Autrefois j'avais fait un dictionnaire de ses phrases pour amuser madame de Luxembourg, et ses quiproquos sont devenus célèbres dans les sociétés où j'ai vécu. Mais cette personne si bornée, et, si l'on veut, si stupide, est d'un conseil excellent dans les occasions difficiles. » (Les Confessions)

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Johan Michael Baader
Marie Thérèse Levasseur, Veuve de Jean Jacques Rousseau
Aquarelle et crayon sur papier, 1791
Photographie par Laure Querouil
Montmorency, Musée Jean-Jacques Rousseau

Rousseau a rencontré Thérèse Levasseur en février 1745, lorsqu’il revint loger à l’hôtel Saint-Quentin, rue des Cordiers dans le Quartier latin. Elle travaillait là comme lingère. Revenant du château de Chenonceaux, fin 1746, Rousseau s’installa en ménage avec Thérèse, alors enceinte, sans doute pour lui éviter la honte d’être une jeune mère non mariée et abandonnée. L’enfant naquit probablement très peu de temps après l’emménagement et Rousseau l’abandonna aux Enfants-Trouvés. Quatre autres enfants subiront le même sort. On reprochera souvent, encore aujourd’hui, à l’auteur d’Émile, d’avoir écrit un ouvrage sur l’éducation alors qu’il n’a jamais voulu assumer sa paternité. C’est pourtant cet acte manqué qui sera à l’origine de son « Traité d’éducation », comme Rousseau l’avouera à Mme de Luxembourg, dans sa lettre du 12 juin 1761 : « Les idées dont ma faute a rempli mon esprit, ont contribué en grande partie à me faire méditer le «Traité sur l’éducation» […]». Monique et Bernard Cottret ont analysé avec justesse la «faute» de Rousseau: «Tout comme «La Nouvelle Héloïse» était l’histoire d’un amour impossible, plus encore que contrarié, l’«Émile», constitue une longue méditation personnelle sur ce qui n’est pas advenu. On y retrouve ce grand ressort de la nostalgie rousseauiste: le regret de ce qui n’a pas été, aussi douloureux en un sens que l’aveu des fautes. Ne pas avoir fait, ne pas avoir vécu, ne pas avoir aimé». (Jean-Jacques Rousseau en son temps, Perrin, 2005)

Si Rousseau consent à parler de « Traité sur l’éducation », en évoquant Émile ou de l’éducation, il n’a toutefois pas la prétention d’écrire un manuel pédagogique d’éducation. A une personne qui l’interpellait ainsi : « Vous voyez, Monsieur, un homme qui a élevé son fils suivant les préceptes qu’il a eu le bonheur de puiser dans votre Émile », Rousseau répondit : « Tant pis, Monsieur, pour vous et pour votre fils, tant pis. »

Dans le troisième tome des Dialogues, où il se pose en «juge de Jean-Jacques», Rousseau précisera que son Émile, « ce livre tant lu, si peu entendu et si mal apprécié », n’est, au bout du compte, qu’un « traité de la bonté originelle de l’homme, destiné à montrer comment le vice et l’erreur, étrangers à sa constitution, s’y introduisent du dehors et l’altèrent insensiblement... ». Pour Rousseau son ouvrage est donc avant tout un essai pour illustrer sa théorie de l’homme bon qui est corrompu par la société. 

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