Introduction
Adieu, beau quartier des Marais,
C’est avecque mille regrets
Qu’une très pressante besoigne,
Pour quelques temps m’éloigne..
Adieu, belle place où n’habite
Que mainte personne d’élite…
Paul Scarron, Les Adieux au Marais
Le poète Paul Scarron, auteur de sonnets, vers et pamphlets habita le quartier du Marais, non loin de la Place Royale (actuelle place des Vosges) en compagnie de sa jeune épouse Françoise d’Aubigné, future Madame de Maintenon… Ce poète dont l’esprit et l’humour divertit si bien la Cour devait souvent quitter son domicile du 56, rue de Turenne, afin de faire des cures pour soulager ses rhumatismes déformants.
J’aimerais aujourd’hui vous faire découvrir ce quartier, l’un des plus vieux de Paris; il concentre le souvenir de ce temps où les personnes issues de la noblesse, surtout de robe, eurent le désir et la possibilité de se faire bâtir de somptueuses demeures, parfois de véritables palais… Le phénomène toucha ainsi les bourgeois très aisés, pour qui il était prestigieux d’avoir pignon sur rue non loin de la Place Royale, ou des hôtels de Sens ou de Sully. Il leur était possible ensuite de louer leur bien aux nobles qui aimaient résider ici, loin des puanteurs du centre ancien… Mais aussi, il était très pratique pour cette noblesse parlementaire de résider non loin de l’ile de la Cité et de son palais de Justice. Notons que les jours de gloire de ce quartier se situent au XVIIe siècle, avant de connaître à partir du XIXe siècle un certain déclin.
Existe-t-il une typologie de l’hôtel particulier parisien ? Comme nous le dit Alexandre Gady, historien de l’art et commissaire de l’exposition « L’hôtel particulier, une ambition parisienne » (Cité de l’architecture, 5/10/2011-19/02/2012) dans laquelle de nombreux documents sur le sujet ont été présentés au public, il n’est pas si simple de la définir.
Tout d’abord penchons-nous sur le terme «hôtel» qui en français est très large : hôtel de ville (mairie) pour le côté administratif, hôtel-Dieu, qui désignait autrefois un lieu où les malades sans le sou pouvaient être accueillis – rappelons d'ailleurs que dans le patronyme Hôtel-Dieu, «Dieu» fait référence au côté vertueux des maladies car les malades touchés par la souffrance pouvaient ainsi comprendre en leur corps la Passion du Christ et donc se rapprocher de la Jérusalem Céleste et de Dieu. Nous avons aussi le terme d’hôtel de tourisme… Il est donc nécessaire en français d’y adjoindre l’adjectif «particulier» pour désigner ces demeures dans la ville, ces palais, et Paris en est un cas exemplaire, car nulle part ailleurs il ne s’est décliné si habilement, en s’adaptant aux contraintes de l’espace et du temps.
L’hôtel particulier revêt ainsi plusieurs couleurs, des dominantes, pourrait-on dire; il est bien sûr un lieu d’habitation privée, mais également un espace où les heureux habitants de ces architectures privilégiées, astucieuses, vont pouvoir mettre en scène leur rang, et les services qu’ils s’offrent, en lien avec celui-ci. Ainsi peut-on lire dans la pierre, dans la distribution des ailes et du corps de logis quels étaient les codes et les coutumes qu’il était important de retrouver, afin d’évoluer dans une même appartenance sociale. Enfin, ces demeures ont constitué bien souvent un précieux écrin pour des collections, des boiseries, des peintures, des décors peints, du mobilier… Le musée Carnavalet offre aujourd'hui de magnifiques exemples de décors remontés provenant de divers hôtels parisiens.
La parcelle sur laquelle l’hôtel s’élève est bien entendu déterminante : si nous trouvons dans le Marais une majorité d’hôtels entre cour et jardin, certains sont «sur le devant» ou bien encore sur un axe transversal ; la variante du plan massé, c’est à dire sans ailes en retour, a parfois aussi été adoptée (à l'instar de l’hôtel de Lamoignon, que nous verrons rue Pavée).
Imaginez maintenant ce quartier empli de carrosses, de robes de velours, d’épées, de hautes bottes, et de dentelles. Écoutez le son des sabots des chevaux sur les toutes premières rues pavées (la rue Pavée)!
Ce quartier nous rappelle aussi la Commanderie de l’Ordre du Temple, qui contribua à assécher les marais (d'où peut-être le nom du quartier) qui subsistaient hors les murs de la première enceinte de Paris élevée au début du XIIIe siècle par le roi Philippe Auguste.
Bien qu’elle se situât plus au Nord, les Templiers travaillèrent aussi cette zone, non loin du lit de la Seine.
Le seul vestige visible aujourd’hui de cette époque est la muraille de Philippe Auguste (rue des Lions Saint-Paul par exemple) qui marquait la frontière de Paris. C’est à partir de là que ces îlots de terre devinrent cultivables, des terres maraîchères - autre consonance avec l'appellation du Marais - que l'on appelait «cultures» ou «coutures» avant que celle-ci ne deviennent constructibles.
Ce quartier devint royal aux XIVe et XVe siècles avec la construction du luxueux Hôtel Saint-Pol, voulu par le roi Charles V, demeure alors bien plus riante que le sombre Louvre. Charles VI l’habita également.
Au XVIe et XVIIe siècles le Marais renaît, et voit fleurir ces belles demeures, ces résidences particulières qui contrastent aujourd’hui par leur finesse et leur élégance avec les rues noircies par les pots d’échappement. Visitons-les ! Sur les 300 il n’en reste que 35… dont voici un florilège.
Note de l’éditeur :
Parmi les hôtels particuliers que nous vous proposons de découvrir, deux d’entre eux se trouvent géographiquement à l’écart de notre parcours. Situés dans la partie sud du Marais, les hôtels de Beauvais et de Sens présentent toutefois des qualités historiques et architecturales exceptionnelles faisant d’eux des édifices remarquables que l’on ne saurait passer sous silence.
Aussi avons-nous choisi de vous les présenter, sous forme de visite libre, au terme de ce parcours.
En espérant qu’ils enrichissent votre vision de ce quartier et la lecture que nous vous en offrons… Bonne visite !