L'Hôtel de Lamoignon


Voici un autre riche souvenir du XVIe siècle, qui évoque le sort des bâtards royaux. En effet cet hôtel fut bâti pour être la résidence de Diane de France. Qui était-elle? Pourquoi reçut-elle une demeure aussi prestigieuse?

Rappelons-nous de la résidence royale des Tournelles, située à côté, qui est aussi celle d'Henri II et de Catherine de Médicis. Le couple est stérile pendant dix ans, avant d’engendrer une nombreuse progéniture. Mais pendant cet intervalle - et même au-delà!- le monarque a quelques maîtresses, comme la célèbre Diane de Poitiers, qui se charge de son éducation avant d’être son amante. Pendant sa campagne d’Italie, en 1537, Henri II rencontre Filippa Duci, originaire du Piémont, dont il aura une fille, Diane, à une époque où la Cour le croyait stérile. Le compagnon d’armes et connétable de son père François Ier, Anne de Montmorency – oui, Anne pouvait être un nom d’homme - lui dit d’ailleurs que cet enfant était celui qui lui ressemblait le plus!

La petite Diane grandit en France et son prénom fait donc référence à la maîtresse en titre du souverain... Un outrage parmi d'autres pour Catherine de Médicis. La fillette est pourtant élevée comme les enfants légitimes, par Diane de Poitiers; il est en effet courant à la Cour de France que la maîtresse royale soit en charge de l’éducation des petits princes et princesses. Et l’enfant est légitimée à l’âge de dix ans.

Elle reste proche de son demi-frère Henri III qui lui donne le titre de Duchesse d’Angoulême et d’Étampes, et épouse ensuite François de Montmorency. En 1585 elle s’installe ici. Elle est une érudite, une intellectuelle; elle meurt très tard à l'âge de 84 ans. 

A sa mort, elle laisse l’hôtel à un autre bâtard, Charles de Valois.

En 1658, Guillaume de Lamoignon, président du Parlement, rachète les lieux. Avec sa très belle réputation d’équité et de justice, il préside le procès de Fouquet en 1661, ainsi que celui de la Marquise de Brinvilliers dans l'affaire des poisons. La Marquise de Sévigné, qui habite juste en face, vient lui rendre visite, et cet homme d’esprit est l’ami de Corneille, Racine, Bossuet… Bref, tout ce que l’époque compte de grands intellectuels. C’est lui qui constitue le premier fond de la Bibliothèque Historique de la ville de Paris, avec plus de 14 000 ouvrages collectionnés.

Au XIXe siècle, le lieu continue à être fréquenté par des « gens de lettres »; Alphonse Daudet le loue dans les années 1860, et reçoit de beaux esprits.

D’un point de vue stylistique, cette demeure est dans la lignée de l'hôtel Carnavalet, bien que son plan massé, signifiant que le terrain était suffisant originellement, l’en distingue. Nous en retrouvons les caractéristiques: corps de logis entre cour et jardin, avec une loggia à gauche qui donne sur la rue et qui sera bouchée au XVIIe siècle pour se protéger des bruits de la circulation. La rue était en effet extrêmement fréquentée. L’aile droite sera prolongée plus tard. 

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Plan de l'Hôtel de Lamoignon

En face de nous, au dessus d’un soubassement solide, s’élèvent deux niveaux surmontés d’un étage de combles. Le corps de logis porte un fronton triangulaire, encadré par deux pilastres couvrant les deux niveaux: cela constitue le premier exemple d’ordre colossal à Paris! Il donne l'impression d'être plus haut qu’il n’est en réalité. Mais les grandes baies rectilignes et sa corniche au niveau du premier étage accentuent le style classique de la décoration (caractéristique du XVIIe siècle français), offrant au regard une grande stabilité. Robert de Cotte remanie l'édifice au XVIIe siècle et bâtit l’aile droite, ainsi que la façade côté jardin.

Dans le fronton triangulaire, nous apercevons un décor à motifs issus de l'univers de la chasse, en référence bien sûr à la déesse Diane, qui préside à cet art.

Le portail sur rue date aussi du XVIIe siècle. Son fronton curviligne porte dans le tympan deux allégories de la Prudence: un enfant avec un miroir, l’autre tenant un serpent, encadrent les armes des Lamoignon. Une allusion à la qualité essentielle d’un homme de justice!

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Hôtel de Lamoignon, côté rue, le tympan du portail est marqué de deux allégories de la Prudence.

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Échauguette de l'hôtel de Lamoignon à l'angle de la rue des Francs-Bourgeois et de la rue Pavée.

Au croisement avec la rue des Francs-Bourgeois, une échauguette, vestige du XVIe siècle, nous rappelle qu’il valait mieux surveiller les rues en ces temps tumultueux de guerres de religion. 

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