Rue Delambre
Au numéro 35 de la rue Delambre se trouvait jadis l'Hôtel Delambre, où s’installe en 1891 le peintre et fondateur de l’école de Pont-Aven, Paul Gauguin.
À cette époque, l’artiste vit dans une grande pauvreté. Il réussit cependant, après quelque temps, à vendre un certain nombre de tableaux dont le style est marqué par l’esprit du symbolisme et la technique du synthétisme. Gauguin met à profit cet argent pour acheter un billet tant désiré pour se rendre à Tahiti. Ce voyage initiatique lui permit d’introduire dans sa peinture lumière, couleurs vives posées en aplat ainsi qu'un exotisme très personnel. Ses sujets s’inspirent alors des mythes tahitiens sans pour autant écarter les mythes chrétiens.
Dans le même immeuble, vécut le fondateur du manifeste surréaliste André Breton, entre 1920 et 1921. Engagé d’abord dans le dadaïsme, il s’en détache en 1924 pour écrire son manifeste du surréalisme. C’est à Montparnasse qu’il rencontre le poète roumain Tristan Tzara (qui logeait alors au n°15 de la même rue) arrivé tout droit de Zürich, où le poète avait, en 1917, fondé le mouvement dada au Cabaret Voltaire.
En 1926, le jeune peintre irlandais, Francis Bacon, bientôt connu pour ses personnages distordus comme dans le portrait du Pape Innocent X d’après le fameux tableau de Vélasquez, loue une chambre ici, alors qu’il travaille comme peintre décorateur à Paris.
Au numéro 33, rue Delambre, l’Hôtel des Bains accueille en 1937 l’écrivain existentialiste Simone de Beauvoir, lorsqu’elle vient rejoindre son ami et « amour nécessaire » Jean-Paul Sartre.
Au numéro 15, rue Delambre se trouvait jadis l'Hôtel des Écoles, aujourd'hui Hôtel Lénox.
Man Ray logea dans cet hôtel, avant de s’installer rue Campagne première, et c’est ici qu’il réalisa les premiers portraits de Kiki de Montparnasse, Gertrude Stein, Jean Cocteau et du grand écrivain irlandais James Joyce. Ce dernier vécut dans le même hôtel; invité par Ezra Pound à passer deux semaines de vacances à Paris, il y resta dix ans ! Mais ce fut aussi la résidence du poète dadaïste Tristan Tzara et des écrivains Samuel Beckett, Jean-Paul Sartre et Henry Miller.
Au numéro 10, rue Delambre, le Dingo Bar (aujourd’hui Auberge de Venise) accueillit selon les mots de Gertrude Stein the lost generation (la génération perdue). Comme elle l’explique dans son Autobiographie d’Alice Toklas (1933), elle évoque par « génération perdue » les jeunes écrivains expatriés. Cette expression lui avait été inspirée par son garagiste selon lequel la jeune génération avait perdu toutes les valeurs. Elle prit l’habitude de dénommer ainsi ses amis Scott Fitzgerald et Ernest Hemingway.
Dans Paris est une fête (1964), Hemingway décrit ce lieu, où vient se saouler la bohème de Montparnasse. Peu de temps après la lost generation, Henry Miller et Thornton Wilder (1897-1975) viennent prendre leur whisky dans le même bar.
Au numéro 9, rue Delambre, on peut admirer cette très élégante maison d’atelier construite en 1930 à la demande de l'industrielle polonaiseHelena Rubinstein.
Ici se trouvait la résidence de la danseuse américaine Isadora Duncan, arrivée des États-Unis en 1900. Ses costumes légers et transparents qui permettent de voir le corps, ses gestes spontanés, expressifs et naturels ouvrent la voie à la danse moderne ; un retour au primitif, à une époque où la danse lui paraît trop rigide. Elle posa pour le sculpteur Bourdelle, et alla à la rencontre de Rodin qu’elle admirait. Son style naturel inspira non seulement les sculpteurs, mais aussi le créateur de mode Paul Poiret. La réalisatrice Jacqueline Sigaar a tourné un film sur les habitants de cette résidence, intitulé 9 rue Delambre.
Au numéro 5 de la rue Delambre vécut l’artiste japonais Foujita entre 1917 et 1926.
Il était un ami fidèle des artistes de Montparnasse : Matisse, Modigliani, Soutine, Léger, Gris… Il fit partie du groupe de l’École de Paris. Dès son arrivée, il suit les cours interdisciplinaires (théâtre, littérature, peinture, danse) gratuits de Raymond Duncan, frère d’Isadora que ce dernier tient à l’Akadémia, 31, rue de Seine. Il apprécie ses cours à un tel point qu’il va jusqu’à hésiter entre danse et peinture. Mais la peinture l’emporte et dès 1917, il remporte un succès considérable en Europe comme au Japon.