L'hôtel de Cluny


Initiée vers 1260, la construction de l’hôtel des abbés de Cluny ne fut réellement achevée qu’avec Jacques d’Amboise à la fin du XVe siècle. Il fut bâti sur les vestiges des thermes romains ce qui explique le caractère hétéroclite du lieu puisqu’on peut trouver des architectures médiévales sur des fondations romaines. 

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Les thermes de Cluny, Ier-IIIe siècles.
Comme l'hôtel, elles abritent aujourd’hui le musée national du Moyen Âge.

A l’origine l’hôtel était consacré à l’accueil et l’hébergement des professeurs du collège de Cluny, à quelques pas de là. La chapelle de style gothique située au premier étage, mais que l'on peut apercevoir depuis le jardin, est remarquable bien que ses vitraux bigarrés d’origine aient disparu. L’entrée en arc surbaissé de l’hôtel porte les armes de la famille d’Amboise. Une tourelle à pans coupés est accolée au logis principal tandis que la margelle d’un puits provenant du manoir de Sauvage près d’Amboise est visible du côté oriental de la cour. A l’intérieur du bâtiment devenu musée national du Moyen Âge en 1843, on peut admirer une riche collection d’œuvres médiévales dont de magnifiques retables qui figurent d'ailleurs à merveille les mystères d’antan.

De fameux occupants se succédèrent ici au fil des siècles. Marie d’Angleterre s’y retira à la mort de son époux Louis XII de France. Le pauvre cardinal Charles de Lorraine y trouva également refuge après une rixe entre son escorte et les hommes du Duc de Montmorency. Le prélat dut même, pour échapper à ses poursuivants, se glisser sous le lit d’une servante de la rue de la Trousse-vache (actuelle rue de la Reynie, Ier et IVe arr.). Mais ce qui retiendra davantage notre attention, c’est le passage d’une troupe de théâtre en 1584, soit peu de temps avant que l’on oblige l’hôtel à cesser ses activités théâtrales. Cluny n’était pas le seul hôtel à accueillir des troupes. L’hôtel de Sens (1, rue du Figuier, IVe arr.) ou celui de Reims en furent de prestigieux. 

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Hôtel de Sens,
vue de la façade rue du Figuier (IVe arrondissement).
Il fut construit entre 1475 et 1519.

La troupe qui occupa l’hôtel de Cluny dut peut-être soudoyer le concierge qui, en ces temps-là, ne lésinait pas sur les moyens d’arrondir son pécule en louant la résidence dont il avait la charge pendant les longues périodes d’absence de ses propriétaires. Les nombreuses troupes qui parcouraient la plupart du temps les campagnes et les provinces venaient se produire à Paris dans certains hôtels, collèges ou même dans les salles de jeu de paume. Parmi ces troupes, les Italiens n’étaient pas rares et c’est sans doute l’une d’entre elles qui, à l'instar des Gli Gelosi invités par le roi Henri III, investit l’hôtel de Cluny. Il faut préciser ici que le théâtre et les mœurs français furent amplement influencés par les Italiens et les Espagnols. Désirant prouver leur participation aux expéditions transalpines, les grands seigneurs vassaux de François Ier se plaisaient à parler italien à la Cour. 

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Jacobus Granthomme (graveur),
Portrait de Catherine de Médicis,
estampe, 1588.

Plus tard, sous le règne d’Henri II, il était de bon goût, pour plaire à la reine Catherine de Médicis, de s’essayer à la langue de Léonard de Vinci. On remplaçait allègrement les «r» par des «z», le Parisien devenant ainsi «Pazisien». Cette étrange vogue apporta un dialecte singulier dans les collèges où, pour l’exemple, on pouvait entendre les escoliers vénérer «latrialement le supernel astripotens». Molière se moqua de ces modes comme déjà Rabelais en son temps. Ronsard quant à lui s’alarmait de ce qu’il adviendrait de la «facuité» des étudiants si l’on ne prenait garde à ménager la langue française. Sur son lit de mort, le grand poète eut ces mots: 

«Mes enfants, il y a des vocables qui sont français naturels, qui sentent le vieux mais le libre et le français. Je vous recommande par testament que vous ne laissiez point perdre ces vieux termes, et que vous les défendiez contre les marauds qui ne tiennent pour élégant que ce qui est escorché du latin et de l’italien.»

Si la Cour attirait à elle la culture italienne, les auteurs allaient puiser leur inspiration dans la profusion créatrice espagnole. Les fameuses pièces de capa y espada firent un triomphe auprès d’un public amateur de spectacles où l’intrigue dansait avec l’amour. On s’inspira de Cervantès ou de Lope de Vega qui n'écrivit pas moins de 2200 pièces! Mendoza fut également un mentor apprécié puisque Corneille adapta sa Vérité suspicieuse sous le titre Le menteur (1644). Plus tard, Collot d’Herbois, le révolutionnaire qui envoya Robespierre à la guillotine après avoir lui-même fomenté le massacre de plusieurs centaines de Lyonnais, et qui fut avant 1789, comédien et auteur, imita Calderón pour écrire son Paysan magistrat (1781).

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Jacques Callot,
Danse de comédiens italiens,
estampe, XVIIe siècle.

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Charles-Antoine Coypel,
Histoire de Don Quichotte : « Don Quichotte trompé par Sancho prend une paysanne pour duchesse »,
huile sur toile, carton de tapisserie pour la manufacture des Gobelins, 1715-35
(Compiègne, musée national du château).
Paru en 1605, Don Quichotte de la Manche de Cervantès connut un succès immédiat en France,
inspirant le théâtre mais aussi la peinture et les arts décoratifs.

 

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