Les collèges de Presles et de Beauvais


Comme nous l'avons vu, Ramus était le principal du collège de Presles tandis qu’à la même époque son condisciple et ami Nicolas Charton dirigeait celui de Beauvais.  Les deux hommes décidèrent d’ouvrir un passage pour réunir les deux collèges. Ainsi, les écoliers pouvaient profiter des deux lieux et des deux enseignements. Charton partageaient les idées de Ramus et termina lui aussi sa vie au cours de la triste Saint-Barthélemy. Mais que dire de l’influence de ces deux esprits fins, cultivés et protestataires sur les jeunes élèves dont certains furent de brillants auteurs ? On sait que les premières pièces de Jacques Grévin furent présentées au collège de Beauvais. Le 5 février 1558, on donna La trésorière, pièce initialement commandée par Henri II puis finalement délaissée par le monarque. Deux ans plus tard, le 16 février 1560, on donnait Les Esbahis, une comédie réputée pour son indécence. Les pièces de Grévin alimentaient encore les braises de la discorde. On reprocha à son César (1561) d’avoir des accents républicains fort peu recommandables pour l’époque. Derrière les propos de Brutus cherchant à se débarrasser du tyran Jules César, les sous-entendus se dissimulent à peine :

« Qui veult plustost mourir que le tyran ne meure… hé, Brute ! Retiens en tout au moins le courage et ne te souille ainsi d’un indigne servage. Hé Brute ! Ton pays ne te peut-il mouvoir ?... Quand on dira César fut maître de l’empire, qu’on die quant-et-quant Brute le sut occire. » César, Acte II, 1561.

On assimile souvent la Révolution française aux fruits des penseurs classiques tels que Rousseau ou Diderot. Sans rien enlever à leur influence majeure sur les évènements, il faut tout de même souligner que l’esprit de révolte, ou tout du moins de contestation, existait déjà bel et bien entre les murs des collèges et sur la scène des troupes de théâtre. Le XVIe siècle fut une période particulièrement mouvementée, bousculée par les affrontements sanglants entre catholiques et protestants ou par les épidémies de peste et les famines. Un contemporain d’Henri III nous en donne un portrait édifiant : 

« Des soldats belges, espagnols et napolitains mêlés aux paysans des campagnes voisines, avaient envahi les Asiles des Muses d’un attirail de guerre au milieu duquel erraient les troupeaux […] Les collèges étaient devenus infects comme les écuries d’Augias et plus silencieux qu’Amycla. » Raoul Boutrais, De rebus in gallia et pene toto orbe gestis (1594-1610)

Le fléau bubonique s’abattit en 1511, 1519, 1562 et 1580. Cette année-là, on dénombra environ 40.000 victimes. Les collèges étaient alors fermés et l’on envoya les escoliers aux champs. Malgré tout, les idées se répandaient. On mettait en défaut la toute puissance idéologique de l’Église catholique et par là-même celle du Roi. Les auteurs et les comédiens participèrent à ce vaste pugilat, tantôt défendant le pouvoir en place, tantôt le fustigeant. Il reste que le goût de la rébellion, et surtout l’idée qu’il était possible de se dresser contre une autorité souveraine, allaient faire leur chemin. L’esprit contestataire et le goût de la dérision ne quittèrent pas les collèges.

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Le Doyen,
"Portrait de Hercule Savinien Cyrano" dit Cyrano de Bergerac,
estampe, vers 1665.

Au XVIIe siècle, au sein de ce même collège de Beauvais, se trouvait un élève appelé comme tant d’autres à devenir un auteur de renom: Hercule Savinien de Cyrano plus connu sous le pseudonyme de Cyrano de Bergerac.  Dans le Le pédant joué, qu’il écrivit en 1654, l'histoire se déroule au collège de Beauvais et met en scène un pédant se nommant Granger, nom légèrement déformé de Jean Grangier qui fut le principal de Beauvais de 1610 à 1634 et dont Cyrano avait été l'élève.

En quittant l’église des Saints-Archanges, en poursuivant dans la rue des Écoles, vous passerez devant le Collège de France, ancien Collège Royal où Gassendi enseigna et répandit lui aussi des idées nouvelles. Contestataire d’Aristote comme Ramus et grand admirateur de Galilée, il fut le maître de Cyrano de Bergerac et de Molière. 

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Le collège de France,
vu depuis la rue des Écoles.

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Claude Mellan,
Portrait de Pierre Gassendi,
estampe, XVIIe siècle.

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Le collège de France,
vue de la cour depuis la rue Saint-Jacques.

Plus loin, on ne peut manquer la monumentale façade de la Sorbonne qui fut à l’origine le collège de Robert de Sorbon

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La Sorbonne,
façade de la rue des Ecoles, construite par Henri-Paul Nénot en 1885.

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Vue supposée du collège de la Sorbonne en 1550,
estampe de Fourquemin, Nousveaux et Pernot, 1850.

Le plus ancien collège est celui des Dix-huit, bâti en 1180, tandis que d’autres plus récents sont aujourd’hui de prestigieux lycées tels que les collèges d’Harcourt (fondé en 1280) ou de Clermont (1563) - où Molière étudia - qui sont aujourd’hui respectivement les lycées Saint-Louis (44, boulevard Saint-Michel) et Louis-Le-Grand (123, rue Saint-Jacques). Pour terminer, le collège de Coqueret où naquit la Pléiade se situe impasse Chartière (Ve arr.), sur la montagne Sainte-Geneviève.

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Le lycée Saint-Louis,
44, boulevard Saint-Michel.
Ancien collège d’Harcourt, fondé en 1280 et fermé en 1793 ;
les locaux de lycée actuels datent du début du XIXe siècle.

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La cour d’honneur du lycée Louis-le-Grand,
ancien collège de Clermont, institution jésuite.
Situé au 123, rue Saint-Jacques, il est tout près du Collège de France,
de la Faculté de droit et de l'Institut de Géographie un peu plus haut,
et en face de la Sorbonne.
XVIIe siècle.

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L'impasse Chartière,
emplacement de l'ancien collège de Coqueret.

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Impasse Chartière,
plaque commémorative.

 

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