Le Restaurant Pignarre


Ce restaurant, au 99 de l'avenue d'Alésia, était bien connu pour des banquets et des noces. On possède des notes de réunions des groupes sociaux-démocrates russes qui s'y tenaient datant de 1903. Dans un rapport de police, on parle d'une réunion organisée par "Le Drapeau Rouge", la "Russie Révolutionnaire", et la section parisienne du Bund, le groupe juif affilié au POSDR. Selon la police il y avait peu de membres du groupe de l'Iskra à cause des divergences politiques avec les organisateurs. En effet, les bolcheviks et les mencheviks avaient refusé lors du congrès de Londres d'octroyer au Bund un statut séparé au sein du parti en tant que représentant d'une minorité "raciale". C'est seulement au Congrès de Stockholm en 1906, dans le contexte de l'unification temporaire des fractions, que le Bund ainsi que les sections polonaise et lettone seront réintégrés dans le POSDR.

En décembre 1904 Lénine y tient une conférence sur la situation interne du POSDR après le congrès de Londres qui a fait émerger les deux fractions bolchévique et menchévique.

Lénine sur la situation interne du parti. En 1904 c'est Lénine qui donne une conférence au restaurant Pignarre. Du 2 au 5 décembre il voyage pour donner des conférences sur la situation interne du parti après le congrès de 1903. À Paris, la conférence se tient au restaurant Pignarre. Le moment est difficile pour Lénine. Après son succès au Deuxième Congrès, d'où sa fraction sort majoritaire, les bolcheviks perdent des alliés au sein du POSDR ; en commençant par Plekhanov qui le critique avec véhémence. Lénine est de plus en plus isolé au sein du groupe de l'Iskra. Il en est exclu à la fin de 1903. Au mois d'août, il a réuni à Genève un groupe de vingt-deux bolcheviks résolus, et créé le bureau des comités bolcheviks qui devait devenir la nouvelle organisation bolchévique. Il prépare aussi le lancement de la revue des bolcheviks, "Vpered", dont le premier numéro paraîtra en janvier 1905. Il demande également la tenue d'un nouveau congrès qui aura lieu à Londres en avril et mai 1905. Son but est de se séparer des dissidents mencheviks et d'assurer que le parti reste aligné et compact. D'ailleurs le congrès de Londres sera boycotté par les mencheviks. Ils sont majoritaires dans les organes du parti et n'en reconnaîtront pas les résultats. La rupture était consommée ; mais les événements de 1905 changeront la donne. En effet, les divisions au sein du POSDR n'étaient ni comprises ni acceptées par la base. La conférence de Tammerfors en Finlande, en décembre 1905, approuva la fusion des comités centraux des deux fractions pour créer un comité unifié et organiser un nouveau congrès, le Quatrième, qui se tiendrait à Stockholm au mois d'avril de 1906.

La Vème Conférence du POSDR. Le restaurant Pignarre sera le lieu d'une importante réunion du parti. En décembre 1908, Lénine fraîchement arrivé à Paris, participe aux travaux de la Ve Conférence de janvier 1909 (décembre 1908 dans le calendrier julien) qui se conclut par une victoire partielle. 

Après le congrès de Londres, et dans le contexte du recul généralisé du mouvement ouvrier russe sous les coups de la répression tsariste, le processus d'unification du parti est mis à rude épreuve. Chez les mencheviks se développe un courant "liquidateur", qui compte Martov, Axelrod et Dan comme principaux représentants. Sur le fond du débat à propos de la nature de la révolution russe et du rôle du parti socialiste, les liquidateurs poussent leur raisonnement jusqu'à nier que le parti russe doive diriger la révolution. Selon eux, il devrait s'en tenir à une alliance avec la bourgeoise libérale, gagner des positions dans le parlement, et limiter au maximum les activités clandestines du parti ; celles-ci pouvant mettre en péril la survie de l'organisation. Mais les divisions s'installent aussi dans les rangs mêmes de la fraction bolchévique : les otzovistes et les ultimatistes, parmi lesquels Bogdanov, Krassine, Alexinski, Gorky et Lounatcharsky, critiquent Lénine sur ses choix tactiques, en particulier sur la participation des bolcheviks à la Douma.

La Ve Conférence du Parti s'ouvre le 3 janvier 1909 au 99 de la rue d'Alésia. On a loué une salle à l'établissement Pignarre, réservée d'habitude à des noces et banquets. 16 délégués y assistent, dont 5 bolcheviks, 3 mencheviks, 5 délégués polonais et 3 bundistes. 

D'autres délégués bolcheviks étaient détenus par la police tsariste et donc empêchés de partir pour Paris.

« Au cours d'une réunion préliminaire de la fraction bolchévique, dont trois représentants sur cinq appartenaient au groupe des otzovistes, les thèses de Lénine et de son journal le Proletari ont été condamnées. Mais à la Conférence elle-même, Lénine l'emporte. Lutte sur deux fronts, réclame-t-il : contre les liquidateurs de droite et les opportunistes de gauche, otzovistes et ultimatistes. La résolution proposée par Lénine en conclusion de son rapport est adoptée.
Le Proletari demeurait l'organe de la fraction bolchévique. Mais Lénine acceptait de collaborer au Sotsial-Demokrat, jusque-là entre les mains des mencheviks et qui devenait l'organe central du Parti. Le nouveau comité de rédaction comprenait Lénine, Martov, Zinoviev, qui avait accompagné Lénine de Genève à Paris, et le Polonais Marhlevski. » (Fréville, Lénine à Paris)

C'est l'époque où Lénine et Martov se fréquentent. Martov collabore au journal Sotsial-Demokrat, et Lénine apprécie son travail de journaliste. Cette idylle devait se terminer avec l'arrivée de Dan à Paris.

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