Chez maître Nicolas Flamel


Quelques minutes de marche encore et sur le trottoir de gauche, s'ouvre la rue de Montmorency. Au n° 51 de cette ruelle, sur le trottoir de droite, nous voici devant la plus vieille demeure de Paris. Édifiée en 1407, elle n'abrita jamais son propriétaire qui ne fut autre que le célèbre et énigmatique Nicolas Flamel (dont la toute récente saga à très grand succès de Harry Potter a utilisé encore de nos jours la figure), qui l'avait consacrée à servir de refuge aux nécessiteux.

Sur la façade de l'édifice ceux d'entre vous qui ont la chance d'être encore dotés d'une bonne vue et qui  possèdent une bonne aptitude au déchiffrement des écritures anciennes pourront lire la prière qui sert de formule propitiatoire à ce lieu d'asile pour les malheureux :

Nous hômes et fèmes laboureurs
demourans au porche de ceste maison
qui fut fée en l'an de grâce mil quatre cent et sept :
sommes tenus chacû en droit
sous dire tous les jours
une pastenotre et un ave maria
en priant dieu  que de sa grace
face pardô aux poures pescheurs
trespasssez, amen.

Sur ce personnage, les légendes toutes plus fabuleuses les unes que les autres abondent. Les plus courantes lui prêtent une vision au cours de laquelle lui serait apparu en rêve un livre hermétique prétendument rédigé par un prêtre lévite nommé Abraham le Juif. Ce grimoire lui aurait été par la suite  remis vingt ans plus tard par un mystérieux étranger alors qu'il travaillait dans son échoppe de copiste adossée à l'église de Saint-Jacques-la-Boucherie.

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Portrait présumé de Nicolas Flamel

L'étude  ardue et acharnée de ce grimoire aurait permis à Maître Nicolas de devenir un alchimiste expert et d'acquérir ainsi une fabuleuse fortune qu'en homme pieux, il consacra en grande  partie à des œuvres de charité avec l'assistance de son épouse fidèle et aimée Dame Pernelle, ayant acquis notamment cinq demeures destinées à servir d'hospices et  toutes sises, remarquons-le, dans cette rue Saint-Martin.

Le romancier Léo Larguier, membre de l'Académie Goncourt, dans un délicieux petit ouvrage consacré à Flamel, imagine les longues veilles studieuses de ce dernier et sa progression lente, mais sûre,  dans l'illumination d'un savoir surnaturel, mais jamais disjoint, selon sa conception de bon mari, de bon bourgeois de Paris et d'excellent chrétien, de la toute puissance de la Grâce divine :

La pierre sublime  qu'il devait trouver grâce au livre de l'étranger, était à l'horizon de sa vie comme une étoile. Ceux qui l'avaient vue affirmaient qu'en elle se fondaient toutes les couleurs et toutes les lumières ; elle était blanche, rouge, verte, bleue et Raymond Lulle en faisait une braise, une ardente escarboucle.  Que n'eût-il donné pour avoir connu ce maître qui était mort il n'y avait pas très longtemps ? …
Était-il mort seulement ? Les patriarches de l'antiquité sainte, les prophètes bibliques dépassaient six cents ans, disait-on, et prolongeaient leur existence à cause de la fameuse pierre qu'ils possédaient …
Elle était capable de tous les miracles, elle avait le don de changer en or pur les métaux les plus bas, mais elle avait le don plus magnifique encore de changer une vieille décrépite et chenue en une radieuse créature
.
Léo Larguier, Le faiseur d’or. Nicolas Flamel, Paris, 1969, p. 39-40.

Plus encore que la transmutation des métaux, l'extrême longévité, voire l'immortalité est l'un des fantasmes les plus courants et les plus convoités des humains de toute origine.

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Pierre tombale de Nicolas Flamel,
Paris-Musée de Cluny

Faut-il s'étonner dès lors qu'en 1709, soit presque trois siècles après sa mort officielle en 1418, l'explorateur et voyageur Paul Lucas, discutant avec un derviche des environs de la ville de Brousse en Anatolie, s'entendit dire non sans stupéfaction que Nicolas Flamel, dont il avait évoqué la mémoire au cours de sa conversation avec son interlocuteur, loin d'être décédé, avait été vu par ce dernier en compagnie de sa fidèle Pernelle aux Indes trois ans auparavant !

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