Le Dôme


Le Dôme est une véritable vedette du quartier de Montparnasse. Il attire l’intelligentsia internationale des années folles parisiennes. L’histoire du Dôme commence le jour où le patron de La Rotonde refuse de servir une jeune Américaine assise à sa terrasse qui ne porte pas de chapeau et qui fume sans vergogne. C’est alors que s’impose le Dôme. Les deux cafés deviennent vite rivaux. Jean Giraudoux en témoigne : « En face, le café rival à l’ombre quand la Rotonde était au soleil, au soleil dès que l’ombre enveloppait la Rotonde ; mais personne jamais ne traversait la rue, à part un créole, qui se déplaçait avec le soleil, et une pianiste congestionnée qui cherchait le frais ». 

Ouvert en 1898, situé au 108 du Boulevard Montparnasse, à l’angle de la rue Delambre, l’établissement est surtout connu comme un « café anglo-américain » à cause de l’affluence d’écrivains d’au-delà de l’Atlantique, comme le couple d’Henry Miller et Anaïs Nin. L’établissement a prêté son nom aux clients qui étaient appelés les « dômiers », dont font partie Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Max Ernst, Aleister Crowley et tant d’autres.

En 1897, le lieu n’est rien d’autre qu’un endroit de passage. Ce n’est qu’un an plus tard, une fois qu’il est racheté par Paul Chambon, qu’il se transforme et devient la référence du quartier. Avec une arrière-salle pour le billard et un décor très luxueux, il attire les nouveaux immigrants intellectuels. Ernest Hemingway, Ezra Pound, Ford Madox Ford et Sinclair Lewis l’utilisent comme s’il s’agissait de leur bureau.

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Ezra Pound (1913)

C’est ici, en 1903, que Walter Bondy, peintre praguois, rencontre Rudolf Levy, artiste de Münich. On y retrouve aussi les russes qui parlent de révolution et qui exportent leurs nouveaux idéaux communistes à l’ouest de l’Europe. Lénine et Trotski sont présents eux aussi. Lénine a l’habitude de se rendre à la cantine des artistes organisée par Marie Vassilieff, mais son habitude de monter sur les tables de haranguer les foules pendant les repas lui vaut souvent l’expulsion de la cantine. C’est alors qu’il se réfugie au Dôme, où il peut tenir ses discours sans être arrêté. 

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Lénine, Trostki et Kamenev

Le 24 décembre 1905, au Dôme est organisée la délégation censée aller chercher Pascin à la gare de l’est. Peintre caricaturiste, Pascin cherche alors à s’installer à Paris, où il arrive de Münich par l’Orient-express. A partir des années vingt, on commence à y voir aussi des Scandinaves et des Anglo-Américains, avant l’arrivée des Tchèques, des Russes, des Polonais en 1924.  Par la suite débarquent aussi Diego Riviera, Amedeo Modigliani, Pablo Picasso, Max Jacob

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Modigliani, Jacob, Salmon et Zarate à Montparnasse, Photo: Jean Cocteau

Le service de la maison est très humoral et se marie bien avec la tendance anticonformiste de l’établissement. On raconte qu’un des garçons, César, avait l’habitude de servir seulement les clients qui lui inspiraient de la sympathie, comme Foujita, Despiau, Kisling, Zadkine, la danseuse Napierkowska et le philosophe Guy-Félix Fontenaille. Il paraît que Marie Vassilieff osa même écrire une lettre au pape sur le papier à en-tête du Dôme. 

Pendant ces mêmes années l’établissement s’internationalise de plus en plus, jusqu’à devenir l’un des premiers « bars américains » où se retrouvent les passionnés de jazz du monde entier. Les temps sont alors très durs. La Grande guerre a laissé un grand nombre de plaies béantes, et déjà une nouvelle crise se prépare, avec l’arrivée de l’année 1929 et la grand krach de l’économie mondiale. Le quartier de Montparnasse est au centre (si non le centre) des temps modernes, avec leur fourmillement intellectuel, les inquiétudes des artistes et l’existentialisme des philosophes. Comme ses confrères, le Dôme stimule la plume d’un cercle croissant d’écrivains, et il apparaît dans des nombreux textes, dont L’Invité de Simone de Beauvoir, Les Etrangers de Sandor Marai, le Tropique du Cancer de Henry Miller et l’Age de la raison de Jean-Paul Sartre.

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Henry Miller

Le Dôme est un lieu de rencontre, de débats, d’intrigues amoureuses et de diffusion passionnée des idées. On y mange assez mal. L’endroit reste abordable, surtout pour cette partie de population dont le but n’est pas de s’enrichir mais principalement de refaire le monde. Le service a depuis bien changé : aujourd’hui l’établissement est reconnu comme l’un des restaurants parisiens haut-de-gamme, honoré d’une étoile par le guide Michelin. 

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