La pyramide de Peï


Très peu de temps après son élection, en 1981, François Mitterrand fait une annonce plutôt inattendue et qui va bouleverser la structure même du Louvre: le président décide en effet de transférer hors du palais le ministère des Finances qui occupe depuis 1872 l’aile Richelieu et de céder les locaux au musée afin qu’il puisse y déployer ses collections. Inclure ce grand corps de bâtiment dans le domaine du Louvre a pour conséquence essentielle de faire de la cour Napoléon le cœur géographique du musée. La décision implique donc de repenser toute la présentation des collections et surtout les accès destinés à drainer le public toujours plus nombreux vers elles.

Réaménager et transformer une institution comme le Louvre n’est pas une mince affaire. En conjuguant son autorité avec l’énergie de Jack Lang, son ministre de la Culture, Mitterrand arrive à ses fins. La nomination de Michel Laclotte au poste de directeur renforce le groupe des fondateurs qui trouve sa pierre angulaire en 1983 avec la nomination de Ieoh Ming Peï, un architecte américain d’origine chinoise, pour concevoir le nouveau bâtiment d’entrée.

Peï s’est déjà fait connaitre dans le domaine des musées en construisant la nouvelle aile de la National Gallery de Washington, un édifice très admiré. Son projet pour le Louvre prend en compte toutes les contraintes du lieu. Il sait combien l’endroit est symbolique et chargé d’histoire, combien la France est attachée à une culture que le palais symbolise, combien les architectures plus anciennes du bâtiment ne peuvent être ignorées! Il sait aussi que pour organiser logiquement un tel édifice, il faut clairement désigner où se trouve son entrée. Il sait enfin que pour fonctionner normalement, cette entrée doit être au cœur du complexe et visible de tous. C’est donc le centre de la cour qui s’impose comme la seule solution possible pour implanter le nouvel accès. On pourrait creuser disent certains! Sauf que la Seine est proche et surtout qu’une entrée type bouche de métro n’est pas suffisante. Il faut donc construire en hauteur, et c’est ce que Peï propose. Plutôt qu’un pastiche «à l’ancienne» que souhaitaient certains, il opte pour une forme géométrique simple faite de verre et de métal, une pyramide dont la qualité première est de ne pas occuper l’espace autant qu’un cube ou une sphère... L’idée séduit Mitterrand, la naissance de la pyramide est officiellement annoncée.

La polémique qui commence alors va durer plusieurs années, menée par des architectes, des historiens d’art, des politiques. André Fermigier, historien d’art et enseignant à la Sorbonne, en sera le fer de lance. Éditorialiste au Monde, il se déchaîne contre un projet qu’il estime trop moderne et sans respect pour le cœur de la capitale. Sa mort, en 1988, calme un peu les choses mais la bataille aura été rude. Malgré cela, l’élégante silhouette dessinée par Peï s’élève du sol. La nouvelle entrée est inaugurée le 30 mars 1989.

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Louis et Jules Séeberger,
Cour Napoléon, Square La Fayette ,
vue prise du toit, série Parcs et jardins.
Négatif verre au gélatino-bromure d’argent, entre 1901 et 1925.
(Charenton-le-pont, Médiathèque de l'architecture et du Patrimoine)

L’architecture de Peï est simple et pure, sans artifice ni décor. Le verre et le métal dominent au-dessus du sol, la pierre blonde de Bourgogne en dessous. Ses faces transparentes laissent admirer les façades des ailes qui ceinturent la cour et qui viennent se refléter dans l’eau des trois bassins qui l’isolent des espaces de circulation. Trois petites pyramides satellites illuminent les zones d’accès aux collections du musée. En quelques mois, la nouvelle pyramide du Louvre devient l’un des édifices les plus admirés des Parisiens et de leurs visiteurs! Elle figure aujourd'hui dans tout album consacré à Paris.

Ici s’achève votre visite. Elle vous aura conduit devant les principales façades du palais en vous permettant d’évoluer depuis le XVIe siècle jusqu’à l’époque contemporaine. La boucle ne se referme pas avec la pyramide car le Louvre est un organisme vivant où chaque époque cherche à laisser une trace. Le XXIe siècle commence ici par de nouveaux travaux qui ont permis récemment l’ouverture des nouvelles salles du département des Arts de l’Islam. Installées dans la cour Visconti, l’une des trois cours situées dans l’aile Denon, elles sont couvertes par une élégante toiture ondulée imaginée par les architectes Ricciotti et Bellini. Le Louvre entame donc le nouveau millénaire par une nouvelle architecture...

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