La prison de l’abbaye


Longez la façade Saint-Sulpice  et dans l'axe prenez la rue des Canettes jusqu'au bout, traversez la rue Dufour, en vous déportant vers la droite pour emprunter la rue des Ciseaux jusqu'à la fin. Vous êtes ici à l'une des entrées de l'Enclos de l'Abbaye. Cet Enclos formait un quadrilatère qui correspond au sud  à une partie du Boulevard Saint-Germain, à l'est rue de l'Echaudé et rue Cardinale, au nord rue Jacob et à l'ouest rue Saint-Benoît. Ces quatre rues sont les anciens fossés de l'Enclos qui furent asséchés, comblés et construits. C'est ici que va s'écrire, en septembre 1792, la page la plus sanglante de l'Histoire depuis la Saint-Barthélemy. Ce sera le signal du début de la phase sanglante de la Révolution : la République ou la mort.

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Hoffbauer, "L'Abbaye Saint-Germain vers 1530".

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"La prison Saint-Germain".

Prison de l'Abbaye : Prenez le boulevard Saint-Germain à droite jusqu'aux n°135 et 137, vous apercevez, en face, de l'autre côté du boulevard, le n°168 . La Prison de l'Abbaye se trouvait ici. Édifié en 1635 sur les anciens fossés de l'Enclos de l'Abbaye qui venaient d'être asséchés, elle recouvrirait aujourd'hui toute la chaussée du boulevard à cet endroit entre les deux trottoirs. La puissante abbaye avait droit de haute et basse justice, de voirie et de surveillance du commerce sur tout le Bourg Saint-Germain, sur une partie de la Plaine de Grenelle et sur une trentaine de rues de Paris : en conséquence, elle possédait bailli, prévôt, gens d'armes, tribunal et prison.  Cette prison était une bâtisse carrée et massive composée de trois niveaux flanquée d'une tourelle à chaque angle. 

Prison militaire : Lorsqu'en 1694 Louis XIV supprima les juridictions particulières, l'abbé n'exerça ses pouvoirs qu'à l'intérieur  de l'enclos, la prison servit désormais de prison militaire. A ce titre on y incarcéra les Gardes Suisses échappés au carnage de la prise des Tuileries le 10 août 1792. Elle sera le lieu de la journée la plus sanguinaire de la Révolution.  

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"Massacre des prisonniers de l'Abbaye St Germain : douze commissaires nommés par le peuple sont installés au guichet de la prison, et jugent les détenus d'après le registre d'ecrou, et un interrogatoire préalable", Paris, Bibliothèque nationale de France, 1792.

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"Événement du 30 juin 1789 entre 7 & 8 heures du soir : Onze soldats aux Gardes Françaises, prisonniers dans l'Abbaye S.t Germain, pour fait d'insubordination", Paris, Bibliothèque nationale de France, 1789.

Prison de la Terreur : C'est dans cette prison que débuta une des pages les plus sanglantes de la Révolution française : les massacres de septembre 1792. Vingt jours après la prise des tuileries et la destitution du Roi, ces massacres allaient marquer  tragiquement les débuts de la République. Du 2 au 6 septembre 1792, dans un climat de panique et de peur lié à l'invasion du territoire par les Prussiens et aux appels au meurtre de Marat et Hébert, les Sans-Culottes massacrèrent entre 1200 et 1400 personnes détenues dans les prisons. On pense que les Prussiens qui menacent de destruction la Capitale (manifeste de Brunswick), sont aux portes de Paris. Au carrefour de Buci, la foule électrisée par la peur et la haine s'attaquent à une charrette qui mènent 16 personnes dont 13 prêtres réfractaires à la Prison de l'Abbaye : ils furent égorgés, la Prison investie et les prisonniers égorgés à leur tour, dont les Gardes suisses incarcérés depuis le 10 août. C'est le premier pas d'un massacre général qui va s'étendre à toutes les prisons de la capitale et constituera le premier bain de sang de la Révolution. Ce ne sera pas sans rappeler le Massacre de la Saint Barthélémy pendant les guerres de Religion. Ministre de la Justice, Danton n'a rien fait pour arrêter ces massacres. La Commune et son Comité de Surveillance ont laissé faire : Marat, membre de ce Comité, profite de l’événement pour lancer des mandats d'arrêts contre les chefs Girondins Roland et Brissot mais Danton s'y oppose. Les massacres, commencés ici, auront un impact sur le cours de la Révolution : cette terreur anarchique et sanglante incontrôlée imposant une justice populaire et immédiate, sera la justification pour les chefs de la Révolution d'instaurer un terrorisme d'Etat, par un gouvernement révolutionnaire nommé Dictature de Salut Public. La nouvelle République est mise entre parenthèse ; la Convention, nouvelle assemblée constituante,  est suspendue et le Terrorisme d'Etat, « la Terreur »,  mis à l'ordre du jour. Les Comités de l'Assemblée vont s'arroger les pleins pouvoirs avec à leur tête Robespierre, Danton et Camille Desmoulins et, bientôt, Robespierre, Saint-Just et Couthon. Ce sera la période de la Terreur et de la Grande Terreur entre 1793 et 1794 où chacun fera trembler en tremblant. L'Etat révolutionnaire aura un instrument, le Tribunal révolutionnaire, et un outil, la guillotine. Le Salut public trouvera sa justification par un état de guerre civile et étrangère. Pendant cette période, la Prison de l'Abbaye devint donc une prison politique où furent enfermés quelques girondins célèbres, Madame Roland (2 juin 1793), Charlotte Corday, le soir où elle assassina Marat (13 juillet 1793) et Brissot, chef de Girondins qui fut décapité le 31 octobre 1793. Comment pour effacer les traces de l'épisode le plus sanglant et le plus terrible qui marqua le début de l'Extrême révolution de 1792 à 1794, elle fut démolie en 1857 lors du percement du Boulevard Saint-Germain.

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"Brissot et vingt de ses complices à la guillotine : le 10 brumaire de l'an 2.eme de la République française une et indivisible, Brissot et 20 de ses complices subirent leur jugement sur la place de la Révolution", Paris, Bibliothèque nationale de France, 1793.

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Adelaide Labille-Guiard, "Madame Roland", 1787.

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Jean Jacques Hauer, "Charlotte Corday la veille de son exécution", Versailles, Musée Lambinet, 1793.

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Prochaines étapes

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