Jean Valjean rue des Archives


La partie de la rue des Archives comprise entre les rues Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie et des Blancs-Manteaux s'appelait la rue de L'Homme-Armé jusqu'en 1890. C'est dans cette rue, probablement à la hauteur de ce qui est aujourd'hui le n. 31-33, que Jean Valjean eut sa dernière demeure. Comme pour toutes ses autres adresses, le héros des Misérables a choisi ce lieu en raison du calme du lieu :

Rue obscure, habitants paisibles. Jean Valjean sentit on ne sait quelle contagion de tranquillité dans cette ruelle de l'ancien Paris, si étroite, qu'elle est barrée aux voitures par un madrier transversal posé sur deux poteaux, muette et sourde au milieu de la ville en rumeur, crépusculaire en plein jour, et, pour ainsi dire, incapable d'émotions entre ses deux rangées de hautes maisons centenaires qui se taisent comme des vieillards qu'elles sont. Il y a dans cette rue de l'oubli stagnant. Jean Valjean y respira.
(Les Misérables, Lacroix, 1862)

Jean Valjean est le personnage central des Misérables. Il symbolise la lutte de Victor Hugo contre la misère et le mal. Pourtant, au début du roman, Jean Valjean, en volant les chandeliers, est un acteur du mal. Le roman de Victor Hugo est bien sûr une dénonciation des misères sociales de son temps, mais il est aussi et surtout le roman de la conversion de Jean Valjean, celle qui le mène du mal au bien. Ce roman est donc le reflet de la foi de Victor Hugo en un Dieu d'amour. Mais pour le poète, le débat n'est pas que religieux, comme le souligne Emmanuel Godo : Il n'y a pas de foi en Dieu, sans foi en la perfectibilité de l'homme. Or cette foi que l'homme peut progresser est le fondement même de la démocratie. La conversion n'est donc pas un motif strictement religieux […] mais tout autant moral que politique. L'idée de conversion implique la certitude que l'homme peut se transformer. […] A travers la figure de Jean Valjean, c'est à une conversion de toute la société que rêve le romancier (Victor Hugo et Dieu – Bibliographie d'une âme, Cerf, 2001).

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La mort de Valjean

Au début de son emménagement rue de l'Homme-Armé, Jean Valjean comprend qu'il ne peut garder Cosette auprès de lui. Il va accepter l'amour de Cosette et de Marius. Il se soumet au plan de Dieu, et va alors s'effacer jusqu'à mourir… La mort de Jean Valjean, qui se passe dans son appartement de la rue de l'Homme-Armé, est un des moments forts du livre :

Cosette, voici le moment venu de te dire le nom de ta mère. Elle s'appelait Fantine. Retiens ce nom-là : « Fantine ». Mets-toi à genoux toutes les fois que tu le prononceras. Elle a bien souffert. Elle t'a bien aimée. Elle a eu en malheur tout ce que tu as en bonheur. Ce sont les partages de Dieu. Il est là-haut, il nous voit tous, et il sait ce qu'il fait au milieu de ses grandes étoiles. Je vais donc m'en aller, mes enfants. Aimez-vous bien toujours. Il n'y a guère autre chose que cela dans le monde : s'aimer. Vous penserez quelquefois au pauvre vieux qui est mort ici. Ô ma Cosette ! ce n'est pas ma faute, va, si je ne t'ai pas vue tous ces temps-ci, cela me fendait le cœur ; j'allais jusqu'au coin de ta rue, je devais faire un drôle d'effet aux gens qui me voyaient passer, j'étais comme fou, une fois je suis sorti sans chapeau. Mes enfants, voici que je ne vois plus très clair, j'avais encore des choses à dire, mais c'est égal. Pensez un peu à moi. Vous êtes des êtres bénis. Je ne sais pas ce que j'ai, je vois de la lumière. Approchez encore. Je meurs heureux. Donnez-moi vos chères têtes bien-aimées, que je mette mes mains dessus.
Cosette et Marius tombèrent à genoux, éperdus, étouffés de larmes, chacun sur une des mains de Jean Valjean. Ces mains augustes ne remuaient plus.
Il était renversé en arrière, la lueur des deux chandeliers l'éclairait ; sa face blanche regardait le ciel, il laissait Cosette et Marius couvrir ses mains de baisers ; il était mort.
La nuit était sans étoiles et profondément obscure. Sans doute, dans l'ombre, quelque ange immense était debout, les ailes déployées, attendant l'âme.
(Les Misérables
, Lacroix, 1862)

C'est une fin très symbolique pour Hugo : malgré la mort, la vie continue par la présence du jeune couple au chevet du mourant. Et Jean Valjean remet son âme aux anges pour qu'il rejoigne le Père des Cieux. Dans la 4ème partie du roman, au chapitre 8 du livre intitulé Corinthe, Hugo écrit : la loi du progrès, c'est que les monstres disparaissent devant les anges, et que la Fatalité s'évanouisse devant la fraternité. […] Amour tu as l'avenir. 

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