Poursuivons jusqu'à la rue de Béarn. Balzac aime bien donner un vieil air de noblesse aux demeures qu'habitent certains de ses personnages.
Élie Magus est, comme Balzac, un grand amateur d'objets d'art, de meubles et de bibelots. Mais, à la différence de l'écrivain, il a réussi dans le commerce. Il habite un bel hôtel que Balzac aurait rêvé d'habiter s'il en avait eu les moyens (il ne les aura qu'à la fin de sa vie et aménagera une belle maison, rue Fortunée, qu'il n'aura guère le temps d'occuper).
« Élie Magus, à force d'acheter des diamants et de les revendre, de brocanter les tableaux et les dentelles, les hautes curiosités et les émaux, les fines sculptures et les vieilles orfèvreries, jouissait d'une immense fortune inconnue, acquise dans ce commerce, devenu si considérable. En effet, le nombre des marchands a décuplé depuis vingt ans à Paris, la ville où toutes les curiosités du monde se donnent rendez-vous. Quant aux tableaux, ils ne se vendent que dans trois villes, à Rome, à Londres et à Paris.
Élie Magus vivait, Chaussée des Minimes, petite et vaste rue qui mène à la place Royale où il possédait un vieil hôtel acheté, pour un morceau de pain, comme on dit, en 1831. Cette magnifique construction contenait un des plus fastueux appartements décorés du temps de Louis XV, car c'était l'ancien hôtel de Maulaincourt. » (Le Cousin Pons)
Les objets détiennent un rôle fondamental dans la narration de Balzac. Ils incarnent le milieu social, concept cher à Balzac et qui revient tout au long de la Comédie humaine. La représentation des choses, des espaces et des lieux d'habitation s'inscrit dans la nécessité de recréer une atmosphère romanesque qui puisse calquer celle réelle. Chaque description est fidèle au caractère de la personne qui possède la chose décrite : « L’homme, par une loi à rechercher, tend à représenter ses mœurs, sa pensée et sa vie dans tout ce qu’il approprie à ses besoins. » (Avant-propos de La Comédie humaine, tome I, p. 9). Selon le critique allemand Eric Auerbach qui, le premier, avait proposé la notion de milieu dans l'étude de l'oeuvre balzacienne, l'atmosphère propre à la Comédie humaine s'harmonise dans un système de concordances qui tissent des liens entre les personnages, les objets et les lieux. La description des demeures dans l'oeuvre de Balzac recouvre d'autant plus d'intérêt qu'elle signifie souvent le caractère d'un de ses personnages, son histoire ainsi que sa position sociale.