Introduction


Quel lien peut-il exister entre un clerc du Parlement de Paris au XVe siècle et le boulevard du Crime, entre le vicaire de la paroisse Saint-Leu-Saint-Gilles et Molière, entre un jongleur de foire médiévale et le principal d’un collège sous la Renaissance, entre l’illustre théâtre de l’Odéon et le non moins mythique Café de la Gare? L’amour de la scène et du théâtre ! A chaque époque, des hommes et des femmes portés par une même passion ont donné au théâtre parisien ses lettres de noblesse. Cela ne fut pourtant pas toujours dans le plaisir ou l’effervescence festive des grands rendez-vous.  D’évènements historiques en anecdotes savoureuses, ce guide vous fera pénétrer dans les coulisses de l’histoire tumultueuse du théâtre qui, aujourd’hui encore, présente deux visages : d’un côté le théâtre institutionnel, théâtre des rois, qui bénéficia de la protection du clergé ou de l’État, et de l’autre le théâtre privé, ce théâtre de rues qui du apprendre à jongler perpétuellement avec les règles et parfois même les lois. 

Il est bien difficile, voire impossible de situer les débuts du théâtre à Paris, bien que certains évènements aient infléchi son évolution en brisant les codes établis ou en inventant de nouveaux concepts. Ils furent nombreux ces artistes qui entrèrent dans l’histoire grâce à leur génie ou à leur audacieuse créativité. Ils furent encore plus nombreux à disparaître des mémoires. Qui, hormis les historiens, se souvient aujourd’hui des Confrères de la Passion qui inaugurèrent la première vraie salle de théâtre de la capitale à la fin du XIVe siècle ? Qui se souvient de la Bazoche ? De Jodelle ou Grévin ? Des diableries d’antan ou de l’ambiance extraordinaire qui régnait dans une salle de spectacle jusqu’au XIXe siècle ? L’histoire du théâtre est un flot perpétuel de rebondissements, de tentatives avortées ou de succès resplendissants et si l’on ne peut en dater le commencement, il est certain que le monde du théâtre fut très tôt partagé en deux, opposant clercs de l'Église et bateleurs, plus tard les Confrères de la Passion et les troupes autonomes, ou encore la Comédie-Française et les foires ou théâtres de boulevards. Si l’on devait résumer cette dichotomie, il serait judicieux de la définir comme une divergence de vue entre le théâtre institutionnel, établi ou encouragé par l’État, et le théâtre privé, initié par des entrepreneurs isolés. Cependant, de quelque côté que l’on se place, le théâtre reste un foyer riche et foisonnant et c’est sans doute cette diversité et parfois cette adversité qui permit à Paris de devenir l’un des plus grands sanctuaires dédié à cet art. 

Au Moyen Âge, déjà, on pouvait distinguer deux grands courants : le premier était organisé par le clergé aidé de quelques bourgeois de la ville. Ils représentaient ce qu’on appelait des mystères dans des lieux de culte tels que l’église Saint-Leu-Saint-Gilles de la rue Saint-Denis. Le second se contentait des rues, des carrefours, des places publiques mais parfois aussi des cours princières. Les acrobates et les jongleurs y côtoyaient les mimes, les danseurs et les comédiens qui donnaient des farces grossières, divertissant ainsi le peuple du plus bas au plus haut échelon de la société médiévale. 

Si le théâtre semble garder au fil du temps ce double visage, cette confrontation déborda bien souvent du cadre purement artistique et la politique vint se mêler aux débats. Les guerres de religions ou la Révolution française scindèrent le monde du théâtre en deux sans toujours respecter la distinction coutumière entre l’institutionnel et le privé. Malgré tout, ces théâtres jumeaux s’influencèrent réciproquement. Les échanges ne furent pas toujours houleux et bon nombre d’artistes qui débutèrent sur les foires, tels que Préville, terminèrent leur carrière à l’Odéon, tandis que d’autres, comme Nicolet, virent leur baraque des boulevards se muer, avec le temps, en véritable institution.

Le théâtre parisien reste donc un grand chaudron bouillonnant d’idées et de créativité. Influencé par les Italiens ou les Espagnols au XVIe siècle,  éclatant au XVIIe siècle avec Molière, Racine ou Corneille, magistral au siècle suivant avec Hugo, Musset ou Vigny, le théâtre se souvient que les artistes illustres qui ont fait sa gloire l’ont souvent découvert, enfants, dans une baraque des boulevards, sur les tréteaux d’une foire ou tout simplement au coin d’une rue. Aujourd’hui, si les grands théâtres institutionnels sont toujours là, les bateleurs existent encore bel et bien, bien qu'ils aient pris, au cours des siècles, des apparences fort différentes de ceux qui amusaient Gringoire, Rabelais ou Molière. Quoiqu'il en soit, demeurent toujours la scène et le public: voilà véritablement ce qui unit, au travers des siècles, tous ces artistes, ce qui alimente leurs audaces, et transcende leurs exploits.

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