L'aile de la colonnade


Lorsque Louis Le Vau est chargé vers 1660 de concevoir l’achèvement de la Cour Carrée, il envisage immédiatement la construction d’une aile monumentale, tournée vers le cœur de Paris. Elle doit accueillir au niveau de son premier étage l’appartement d’apparat du souverain, et fait donc l’objet de soins particuliers. En avant du palais, l’architecte envisage l’aménagement d’une place royale et d’une rue rectiligne qui aurait reliée la résidence du souverain à l’Hôtel de Ville. Les travaux de construction de la nouvelle aile commencent sans attendre puis sont rapidement stoppés: le projet de Le Vau est jugé trop sage et peu représentatif de la puissance nouvelle du Roi-Soleil!

En 1664, on fait venir d’Italie Le Bernin. Le plus grand sculpteur et architecte de Rome se voit confier un nouveau projet de façade. Il imagine un somptueux édifice fait de courbes concaves et convexes, un palais à la romaine que le Roi et son entourage jugent trop italien et pas assez classique. Le Bernin doit alors reprendre sa copie. Après quelques envois qui convainquent peu, il propose à Louis XIV et à son ministre Colbert le projet d’une monumentale façade posée sur un puissant soubassement et scandée par un ordre colossal formé de colonnes engagées supportant une balustrade ornée de statues. Le roi et son ministre sont satisfaits et Le Bernin, arrivé à Paris en Juin 1665, peut enfin commencer les travaux. Mais rappelé à Rome quelques mois plus tard, il laisse le chantier entre les mains de maîtres d’œuvre locaux.

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Le Bernin,
Premier projet pour la façade orientale du Louvre,
1664.
(Paris, Musée du Louvre)
Le toit terrasse et les loggias ouvertes, jugés peu adaptés au climat parisien, conduisent le Roi et son entourage à refuser ce projet, trop italien à leur goût.

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Le Bernin,
Second projet pour la façade orientale du Louvre,
gravure, 1665.
(Paris, Musée du Louvre)
Après bien des discussions avec Colbert, ce second projet, jugé plus classique, sera finalement accepté.

A Paris, on s’agite et un groupe de personnalités influentes réussit à convaincre le roi et ses ministres des faiblesses du projet et de son allure encore trop romaine! Les travaux sont stoppés et il faut attendre 1667 pour qu’une commission chargée de reprendre le projet se forme. L’élaboration d’un projet définitif est confiée à Le Brun, Premier peintre du Roi, Louis Le Vau puis François d’Orbay, tous deux architectes et enfin Claude Perrault, médecin de formation et frère de l’auteur des célèbres contes…

La façade qu’ils conçoivent fait 175 mètres de long. Posée sur un soubassement presque sans décor, elle aligne trois avants-corps au centre et à chacune des extrémités. Une puissante colonnade les sépare, formée de hautes colonnes groupées par deux et courant sur la hauteur de deux étages. Derrière les deux bras de la colonnade s’ouvrent, sur toute la hauteur des ailes, deux balcons monumentaux; ils préfigurent les deux palais de la place Louis XV, future place de la Concorde, qui seront bâtis 75 ans plus tard. Malgré la monumentalité de l’ensemble, c’est une impression de grâce solennelle qui se dégage de la nouvelle aile qui devient vite l’un des exemples les plus marquants du classicisme français.

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Sébastien Leclerc,
La construction de la Colonnade en 1672,
dessin, 1672.
(Paris, Musée du Louvre, département des arts graphiques)

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Pierre-Antoine Demachy,
Vue de la Colonnade,
huile sur toile, vers 1764.
(Paris, Musée du Louvre)
L'artiste s'est ici efforcé de décrire -de manière certes quelque peu fantaisiste- la vue que l'on pouvait avoir de l'aile orientale du Louvre au milieu du XVIIIe siècle.

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Jacques-Ange Gabriel,
l'hôtel de la Marine et l'hôtel Crillon,
place de la Concorde à Paris.
Construits à partir du milieu du XVIIIe siècle, ces deux hôtels de l'ancienne place Louis XV s'inspirent directement de l'aile de la Colonnade du Louvre, édifiée 75 ans avant eux.

En 1672, le gros œuvre de la colonnade est achevé mais l’argent manque pour dégager ses abords: certains pâtés de maisons sont si proches que l’installation de l’appartement du Roi dans cette aile se trouve compromis. Le départ de Louis XIV pour Versailles résout le problème de manière radicale car les travaux sont suspendus. Au milieu du siècle suivant, l’état du Louvre est tel que Voltaire s’en émeut dans des vers publiés en 1749: 

Louvre, palais pompeux dont la France s’honore!
Sois digne de Louis, ton maître et ton appui;
Sors de l’état honteux ou l’univers t’abhorre,
Et dans tout ton éclat montre toi comme lui.
(Voltaire, Sur le Louvre, 1749)

Malgré cela, il faudra attendre le début du XIXe siècle pour que les toitures définitives soient posées et les intérieurs aménagés!

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Gravure de Née d'après un dessin de Meunier,
La Colonnade occupée par les marchands de tableau et d'estampes,
gravure, fin du XVIIIe siècle.

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