L'aile Lescot
Introduction
Avant de devenir musée en 1793, le Louvre a partagé, avec le palais des Tuileries voisin, le privilège d’être l’une des principales résidences de la couronne de France: dès le milieu du XIIIe siècle et jusqu’à la Révolution, l’un puis les deux bâtiments ont été systématiquement habités, utilisés ou visités par les souverains. La création du musée en 1793 n’a pas mis fin à cette tradition, au contraire! Napoléon Ier, Louis XVIII, Charles X et Napoléon III ont fait des Tuileries leur résidence officielle à Paris, scellant ainsi le lien entre les palais du cœur de la capitale et le pouvoir, quelle que soit la forme qu’il prend. Peu de lieux en Europe partagent cette particularité: la résidence des papes au Vatican sans doute, lieu d’expression du pouvoir pontifical depuis l’aube du Moyen Âge; la Hofburg de Vienne, centre du pouvoir des Babenberg puis des Habsbourg depuis le XIIIe siècle; la Résidence de Munich, occupée par les Wittelsbach depuis 1385, le château royal de Budapest ou, enfin, le château de Prague, siège des ducs puis des rois de Bohème depuis au moins 1140.
Lieu de pouvoir, le Louvre l’est en réalité resté jusqu’au 14 juillet 1989, date qui marque le départ définitif du ministère des Finances qui occupait encore l’aile Richelieu, rappelant aux yeux de tous cette omniprésence du politique entre les murs du palais.
Les autorités installées ici, aux portes puis en plein cœur de Paris, ont toujours développé un soin particulier à associer au monument les noms des plus grands architectes de leur temps. Le résultat est éblouissant et le Louvre peut aujourd’hui être considéré comme un véritable résumé des grandes tendances de la construction palatiale française, associées aux plus importants commanditaires et aux plus excellents architectes qu’ils ont eu à disposition.
Cette promenade vous conduira devant les plus belles façades du palais, dans un ordre presque chronologique, depuis la Renaissance, illustrée par l’Aile Lescot, jusqu’à l’époque moderne avec la pyramide de verre imaginée par l’architecte américain d’origine chinoise I. M. Peï. Il vous permettra de vous familiariser avec le classicisme du siècle de Louis XIV autant qu’avec l’éclectisme du second empire.
L'aile Lescot
Ce n’est qu’en 1526, après 11 ans de règne, que François Ier décide de s’installer définitivement à Paris, abandonnant ainsi les travaux des châteaux qu’il avait choisi de construire dans la vallée de la Loire (Blois, Chambord). Dans un premier temps, le roi n’a pas les moyens financiers qui lui permettent de se lancer dans un ambitieux programme de construction neuve. Il choisit donc de s’installer au Louvre, un édifice débuté vers 1190 puis profondément remanié au milieu du XIVe siècle. La première décision prise par le roi vise à donner un peu d’air au vieux château qui n’occupe alors qu’un angle de la cour actuelle: il ordonne la démolition du donjon qui occupait le centre du complexe. Les deux ouvertures grillagées aménagées dans le sol de cet angle de la cour (une circulaire, qui correspond à un ancien puits, et une rectangulaire) marquent l’emplacement de la tour. Sinon, le roi se contente de quelques réaménagements intérieurs.
Les choses changent à partir de 1546, lorsque François Ier ordonne la démolition de l’aile ouest du vieux château qu’il souhaite remplacer par un nouveau bâtiment: l’actuelle aile Lescot. Elle tient son nom de l’architecte Pierre Lescot qui se voit confier son aménagement. Le roi ne verra en réalité que le début de la construction car il meurt un an plus tard. C’est son fils Henri II qui achève le projet entre 1549 et 1555.
La façade conçue par Lescot est d’une grande modernité dans le Paris du milieu du XVIe siècle. Elle est divisée en trois niveaux: le rez-de-chaussée est de même hauteur que le premier étage; le second étage et la toiture ont, rassemblés, eux aussi la même hauteur que les autres niveaux. En largeur, l’édifice est scandé par trois avant-corps coiffés de frontons.
L’impression générale qui se dégage des volumes est celle d’une parfaite harmonie dominée par les longues lignes horizontales qui séparent les étages. En choisissant de multiplier les demi-colonnes et les pilastres qui encadrent les ouvertures, en plaquant contre le rez-de-chaussée un élégant ensemble d’arcades dans lesquelles s’ouvrent les portes et les fenêtres, Lescot prend pour référence des modèles de l’Antiquité repris par les créateurs italiens du style renaissant. Les proportions générales (la hauteur du bâtiment est égale aux deux tiers de la longueur) accentuent l’impression d’harmonie qui domine.
Pierre Lescot s’associe pour cette nouvelle façade au sculpteur Jean Goujon qui se voit confier la totalité du décor sculpté: les bandes de guirlandes peuplées de petits amours qui séparent les étages, les élégantes figures qui encadrent les ouvertures circulaires du rez-de-chaussée, les reliefs qui ornent la partie supérieure avec les trophées d’armes, les ennemis vaincus et enchainés ainsi que six grandes allégories placées au sommet des avant-corps.
La collaboration entre l’architecte et le sculpteur fait l’admiration des contemporains qui voient immédiatement dans la nouvelle aile du Louvre l’archétype d’une construction royale dans le nouveau style du temps. Alors que l'aile est en cours d’achèvement, Henri II ordonne la démolition des bâtiments médiévaux qu’il fait remplacer par une nouvelle construction confiée aux deux mêmes artistes. C’est elle que vous voyez sur votre gauche; le demi-étage qui formait à l’origine sa partie supérieure a été remplacé sous Napoléon Ier par les aménagements encore conservés. Les sculptures décoratives qui ornaient cette zone sont aujourd’hui exposées dans les salles d’histoire du Louvre, sous la pyramide.
Enfin, imaginez qu’à l’époque de la construction de ces édifices, la cour se refermait immédiatement à droite de l’aile Lescot et à gauche de l’aile sud: elle ne mesurait alors qu'un quart de sa superficie actuelle!