Balzac plumitif puis éditeur
Ses parents ayant quitté la rue du Roi doré pour Villeparisis grâce à un héritage, Honoré a choisi de rester à Paris afin de poursuivre ses rêves de richesse et de gloire... et aussi pour rencontrer discrètement son amante, Mme de Berny, plus âgée que lui de 20 ans et qui le visite ici presque chaque jour. Entre 1824 et 1826, il habite au dernier étage de l’hôtel Châtillon, encore debout aujourd’hui 2 rue de Tournon.
La correspondance de sa mère et de sa sœur, nous donne certaines indications quant à sa façon de vivre durant cette période mais aussi sur le ressenti qu’éprouve sa mère au sujet de la liaison que son fils entretient avec Mme de Berny, âgée alors de 45ans.
Mme Balzac écrit à sa fille Laure le 29 août 1824 : « Venons-en à la désertion d’Honoré. Comme vous, je dis : Bravo ! si c’est réellement pour travailler de manière à savoir à quoi s’en tenir, mais je crains que cette retraite ne soit un prétexte pour se livrer sans nulle contrainte à une passion qui le perd. Il s’est enfuit de chez nous avec elle [Mme de Berny] ; elle a passé trois grands jours à Paris » et, le 4 septembre : « Dernièrement encore, je lui ai proposé de payer ses dettes, si cela pouvait être nécessaire pour donner essor à son génie, et pour enfin lui voir produire quelque chose que l’on puisse avouer. Un peu plus d’obligation l’aurait gêné ; il a refusé. Je lui ai proposé d’assurer sa subsistance ; plus, nous ne le devions pas, même pour son bien. Il n’a pas voulu accepter. »
À 25 ans, Honoré a déjà écrit plusieurs articles – anonymes, comme il est d'usage dans les gazettes de l'époque – et quelques romans et essais sous pseudonyme sur divers sujets (dont le droit d'aînesse, l'histoire des Jésuites, un code de la toilette... !), mais cela ne lui a apporté ni la gloire, ni la richesse que sa famille et lui en espéraient. Les éditeurs sont souvent mauvais payeurs.
Il produit un travail acharné et est à l'affût de tous les projets, des occasions, des modes littéraires, vendant sa plume à des petits journaux et rêvant en même temps d'écrire un grand roman d'amour inspiré par Mme de Berny, lisant plusieurs livres chaque semaine afin de s'instruire dans tous les domaines. Il fréquente des plumitifs qui écrivent tantôt une pièce de théâtre pour une actrice en vogue, tantôt un récit à l'eau de rose, à l'aide de procédés faciles dont les premiers romans (sous pseudonyme) d'Honoré sont imprégnés. Parmi ces jeunes écrivains-journalistes vifs et touche-à-tout se distinguent deux personnalités : Auguste Lepoitevin et Horace Raisson.
Encouragé par un ami de son père, Honoré, qui a hérité de ce dernier le goût des aventures téméraires, tente au printemps 1825 une autre aventure. Il s'associe au libraire Canel, avec qui Horace Raisson l'a mis en relation. Canel – dont la librairie est située 30 place Saint-André-des-Arts – a publié sans succès Wann-Chlore, roman de Balzac qui raconte les amours contrariés d'un ancien officier et d'une jeune anglaise. Lorsqu'il a appris que Canel voulait éditer les œuvres de Molière et celles de La Fontaine en un volume, Honoré a vu dans ce projet une idée capable de séduire de nombreux lecteurs et de le rendre riche en peu de temps. Bien que sans expérience, il y investit de l'argent prêté par Mme de Berny. L'expérience ne dure pas. Les éditions de Molière et de La Fontaine sont trop chères pour le public. De plus, victime de malversations commerciales, Balzac connaît sa première faillite.