La Grosse tour du Louvre
Comme tout château important, le Louvre disposait d’un donjon, une tour circulaire haute de plus de 30 mètres placée au centre du complexe, dans une vaste cour. Érigée sous Philippe Auguste, elle est entièrement construite en pierre et repose sur un socle puissant ceinturé d’un fossé; c’est ce socle qui reste aujourd’hui visible, toutes les parties construites au-dessus ayant disparu au cours de la première moitié du XVIe siècle.
La base du monument est pleine. Elle supportait une structure monumentale haute de 31 mètres et coiffée d'une toiture en poivrière que quelques peintures anciennes permettent d’imaginer. Le donjon était accessible par une seule ouverture tournée vers le sud et que l’on rejoignait en franchissant un pont de bois. Celui-ci se trouvait juste au-dessus de vous, sur votre gauche quand vous entrez dans le fossé. A l’intérieur de la tour, les chroniqueurs évoquent la présence d’une vaste salle éclairée par niveau d’étroites fenêtres; un escalier à vis permettait de passer d’un étage à l’autre.
Le donjon est renforcé d’un fossé large de 12 mètres et profond de 6. Il était sec, sans eau donc. C'est à l'intérieur de ce fossé que vous circulez. L’espace est dominé au nord par les parties basses de bâtiments qui empiétaient sur lui, et que vous pouvez voir sur votre droite : il s’agit des restes du logis construit sous Charles V à partir de 1364 pour faire du Louvre un lieu habitable par le roi. La fondation la plus massive (à l’extrême gauche) est celle de la grande vis, le monumental escalier construit par Raymond du Temple et dont toute l’Europe admira le système de double révolution qui fait qu’une personne qui monte ne croise pas celle qui descend!
De tous temps, le fossé a été utilisé comme dépotoir, les habitants du donjon jetant par les fenêtres les restes des repas comme la vaisselle cassée. On sait par les archives conservées qu’il était régulièrement vidé; pourtant, lorsque les archéologues qui ont fouillé là en 1984-1985 ont atteint le fond, il restait une couche d’environ 20 centimètres d’épaisseur de détritus divers. Une mine d’informations essentielles pour connaître les pratiques alimentaires du temps...
Les salles du donjon n’ont jamais abrité la famille royale, le lieu ne s’y prêtant tout simplement pas. Les locataires habituels de la tour sont les hommes de la garnison installée là ainsi que quelques prisonniers du roi enfermés au Louvre. Ferrand de Portugal est le plus célèbre de ces locataires forcés. Fait prisonnier à Bouvines en 1214, le comte de Flandre reste enfermé au Louvre jusqu’au 6 janvier 1227. La petite histoire raconte qu’il se serait vanté d’une prochaine victoire en affirmant qu’il coucherait bientôt au Louvre; il y dormit 13 ans! De plus, le donjon abrite très vite les archives royales, en sécurité entre ses murs puis, à la fin du XIIIe siècle, une partie du trésor.
En 1526, François Ier, qui souhaite s’installer au Louvre, ordonne la démolition de ce symbole du pouvoir du roi sur ses sujets afin de gagner en air et en lumière au cœur du palais. Elle disparait en quelques mois, mais au XVIIIe siècle, le souvenir du bâtiment reste encore présent et certains rendent encore hommage «à la Grosse tour du Louvre»!
À l’extrémité du fossé, une ouverture pratiquée dans le mur permet d’accéder à un escalier qui débouche dans une salle où sont exposés des objets issus des fouilles du Louvre. La salle Saint-Louis est à droite, derrière la cloison de séparation.