Les ailes Richelieu et Denon
Le 2 décembre 1853, le Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte se proclame empereur sous le nom de Napoléon III. L’une des premières décisions importantes prises par le nouveau régime est d’achever le Louvre et d’en faire le cœur de la capitale comme de l’Empire.
Comme souvent au Louvre, la construction débute par des démolitions. Cette fois-ci, elles sont encore plus importantes qu’à l’accoutumée car c’est tout un quartier qui disparait en quelques mois. Le projet d’achèvement du Louvre se fait parallèlement au prolongement de la rue de Rivoli vers l'est. Pour assurer l’un comme l’autre, il faut raser toute la zone située entre le Louvre et les Tuileries d’un côté, entre la Grande Galerie et la rue Saint-Honoré de l’autre. Plus d’une centaine d’immeubles disparaissent sous la pioche des démolisseurs qui vont très vite en besogne car en à peine un an, l’affaire est entendue et le terrain libéré pour les nouvelles constructions.
Napoléon III choisit Visconti pour mener à bien la construction des nouveaux bâtiments du Louvre mais celui-ci meurt peu de temps après. C’est donc l’architecte Lefuel qui conduit le projet après en avoir modifié les façades. Sur les terrains dégagés, on prolonge l’interminable aile qui borde la rue de Rivoli afin de souder l’ensemble avec les bâtiments situés au nord de la cour Carrée. L’espace ainsi délimité, au cœur du complexe, est gigantesque et deux ailes doivent permettre d’en diminuer les volumes: l’aile Richelieu au nord, l’aile Denon au sud. Les deux bâtiments ont un rôle important à jouer : ils permettent d’effacer les irrégularités du palais en diminuant visuellement les différences d’axe qui existent entre les palais du Louvre et des Tuileries et en masquant les importantes variations de niveau entre les parties situées à proximité de la Seine, plus basses, et celles situées plus au nord, plus hautes.
Le style choisi par Visconti et développé par Lefuel s’inspire essentiellement des ailes bâties à l’époque de la Renaissance, cela afin de permettre une meilleure intégration des nouveaux édifices au cœur du palais. Chaque aile s’agence autour de trois cours intérieures qui apportent air et lumière. Du côté de la cour Napoléon, les deux façades présentent une même disposition : un pavillon central et deux pavillons latéraux scandent l’édifice et lui donnent grandeur et monumentalité; ils permettent en plus d’éviter la monotonie d’une longue façade horizontale. Pour homogénéiser la cour, Lefuel reprend aussi les façades d’époque renaissance de l’aile ouest de la cour Carrée en modifiant la position des ouvertures et en ajoutant un abondant décor sculpté.
Pour agrémenter les nouveaux bâtiments, Lefuel ajoute une foule de détails décoratifs que Visconti n’avait pas prévus. Il plaque au rez-de-chaussée des ailes intermédiaires un portique placé en avant par rapport à la ligne principale et surmonté de vastes terrasses; en cela, il s’inspire du portique à arcades que Lescot avait placé devant l’aile Renaissance construite dans la cour Carrée. Le décor des pavillons est particulièrement riche: pilastres, colonnes, cariatides ornent les murs et encadrent les fenêtres; au sommet de chacun, un énorme fronton surchargé de sculptures couronnent la travée centrale. Pour couronner le tout, il fait placer sur la balustrade des terrasses des statues des hommes illustres qui ont marqué l’histoire de France. Le Louvre de Napoléon III est un véritable dictionnaire décoratif qui n’a d’égal que l’architecture du nouvel opéra que Charles Garnier est alors en train de concevoir.
Les bâtiments ordonnés par Napoléon III ont des fonctions officielles: l’aile Richelieu, le long de la rue de Rivoli, abrite la bibliothèque du Louvre et le ministère d’État; l’aile Denon, côté Seine, abrite de nouveaux espaces pour le musée et une salle des États destinée aux sessions solennelles du parlement: c’est là qu’aujourd’hui trône la Joconde!