La Fédération des artistes


A ne pas confondre avec la Fédération artistique qui regroupait les artistes du spectacle. En ce qui concerne les artistes plasticiens, la révolte grondait depuis longtemps en raison des blocages de l’Académie sur l’accès au salon annuel sans lequel il était impossible de se faire connaître. Courbet et Daumier ayant refusé l’aumône de la Légion d’honneur en juin 1870 au motif que « l’Etat est incompétent en matière d’art », les artistes organisent un dîner mémorable en soutien aux deux insolents.

Dès le 4 septembre, la République nomme une commission artistique, installée au Louvre avec Courbet pour président et pour fonction la sauvegarde des musées nationaux menacés par l’invasion prussienne. A peine la Commune proclamée, Courbet fait paraître le 19 mars 1871 dans « Le Rappel » une lettre aux artistes dans laquelle il propose une assemblée pour réorganiser les Beaux-Arts et assurer l’exposition annuelle. Une commission exécutive de 16 artistes est organisée pour préparer cette assemblée et le 6 avril un appel paraît dans le Journal officiel de la Commune. Moulin, sculpteur, Courbet, peintre, et Pottier dessinateur industriel (la Fédération inclura les artisans d’art aux côtés des artistes) appellent à une vaste réunion dans le grand amphithéâtre de l’Ecole de médecine. Il y aura 400 présents pour adopter un programme audacieux qui paraîtra deux jours plus tard dans le Journal officiel :

« Les artistes de Paris se constituent en Fédération et décrètent :

- L’égalité des droits entre les métiers d’art

- La libre expansion de l’art dégagé de toute tutelle gouvernementale et de tous privilèges

-Ils repoussent d’une manière absolue toute exhibition mercantile tendant à substituer le nom de l’éditeur ou du fabricant à celui du véritable créateur.»

Quelques jours après, au Louvre, ils élisent Courbet président de la Fédération et une commission fédérale  de 47 membres de tous métiers chargée de la mise en œuvre du programme et d’organiser l’exposition. Elle n’aura pas lieu en raison de la répression versaillaise.

Les artistes ayant participé à la création de la Fédération ne sont pas tous connus, loin de là, mais des recherches sont en cours sur une vingtaine d'entres eux.

Elles témoignent de l'ostracisme dont la plupart ont souffert, prison, déportation, exil, pillage des ateliers, folie, misère. Cependant Courbet, malgré les incessantes persécutions, est à juste titre une gloire de la peinture mondiale et l'on peut voir ses oeuvres au musée d'Orsay. Dalou, qui fut délégué au Louvre pendant la Commune, est un grand sculpteur, ami de Rodin et l'auteur du groupe si dynamique de la place de la Nation à Paris.

Le programme de la Fédération des artistes est toujours d’actualité, alors que 150 ans plus tard, le ministère de la culture exerce sa tutelle sans contrôle démocratique et que l’emprise des spéculateurs sur la cote des artistes confine au délire.

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