Les jeux de paume


La rue Saint-André des Arts

«C’est surtout au théâtre qu’on est responsable de ses actes.» Jules Renard

Le jeu de paume était un jeu très populaire en France depuis le Moyen Âge. Le but était simple: il suffisait de rattraper une balle avec la main (d’où le nom) que les joueurs projetaient sur un mur. On jouait dans les rues les plus longues, le toit pentu d’une maison suffisant à improviser une partie. Ainsi, la configuration de la rue Saint-André des Arts en fit une artère particulièrement appréciée des amateurs de ce sport. Le jeu de paume fit fureur dans toutes les classes de la société, au point que le prévôt de Paris interdise, le 22 juin 1397, la pratique du jeu en dehors du dimanche car «les gens quittaient leur ouvrage ce qui était fort préjudiciable pour le bon ordre public» (Les jeux au royaume de France, du XIIIe au début du XVIe siècle, Jean-Michel Mehl, Fayard, 1990). Le jeu de paume eut une longue vie sur tout le territoire français, à Paris comme en province. Son déclin commença au XVIe siècle mais on trouvait encore des salles jusqu’au XIXe siècle. 

Les salles de jeu de paume

La forme de ces salles se prêtait parfaitement aux besoins des spectacles. Elles étaient longues et rectangulaires. Leurs plafonds étaient hauts et elles étaient garnies de galeries d’où le public pouvait observer les joueurs. Les comédiens de farces et autres diableries y dressaient donc leurs tréteaux et laissaient les spectateurs au centre de la salle, le parterre, ou bien dans les galeries. Lorsque des personnages de haut rang venaient à une représentation, on dressait des balustres pour leur offrir une distance respectable avec le bon peuple. On y jouait donc des farces, des sotties, des diableries ou encore des mystères. On parlerait aujourd’hui de salle polyvalente ! Les conditions n’étaient cependant pas toujours idéales pour les acteurs. La toiture, adaptée à une activité sportive, était souvent à clairevoie et laissait passer le froid et la pluie. Malgré tout, les salles de jeu de paume furent les abris de fortune de nombreuses troupes qui écumaient les campagnes et faisaient escale dans la ville.

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Anonyme,
Vue d’un jeu de paume,
estampe, XVIIIe siècle.

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Abraham Bosse,
Intérieur d’un jeu de paume,
dessin à la plume, XVIIe siècle
(Paris, Bibliothèque nationale).

La province possédait aussi ses salles de jeu. Au XVIIIe siècle, on peut imaginer que les autorités veillaient encore au bon déroulement des représentations avec une main de fer, comme le prouve cette ordonnance des juges royaux de police de Rennes datant du 30 octobre 1784, qui « défend aux acteurs et aux actrices d’aller jouer ailleurs que dans les secondes loges avec défense d’aller au parterre, ou dans les gradins sous peine de prison ». On ne plaisantait pas avec l’organisation !

L’histoire du théâtre et du jeu de paume est si liée que certaines expressions nous sont restées. Les enfants des fabricants de balles, les paumiers, étaient appelés « enfants de la balle », terme que l’on emploie encore pour désigner les enfants de comédiens. L’expression « épater la galerie » pour stigmatiser un comédien qui cabotine, vient également de l’époque où les joueurs de paume rivalisaient d’acrobaties pour impressionner le public haut perché.

Les adresses de ces anciens jeux de paume:

Jeu des Métayers : 10 et  14, rue Mazarine

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Emplacement de l'ancien jeu des Métayers

Jeu de la Bouteille : 42, rue Mazarine 

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Emplacement de l'ancien jeu de la Bouteille

Jeu de l’Étoile : 14, rue de l’Ancienne Comédie

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Emplacement de l'ancien jeu de l'Étoile

Molière et son Illustre Théâtre s’installèrent au jeu de paume des Métayers, situé 14, rue Mazarine avant de s’expatrier au jeu de paume de la Croix-noire, dans le quartier Saint-Paul et de revenir à celui de la Croix-blanche, dans la rue de Buci. Après avoir occupé la salle du jeu de paume de la Bouteille, au 42 de la rue Mazarine, qu’on nommait alors la salle de Guénégaud puisqu’elle donnait sur la rue du même nom, la troupe de Molière, après la mort de son chef de file, fusionna en 1689 avec l’hôtel de Bourgogne et celle du Marais et s’installa dans la salle du jeu de paume de l’Étoile, au 14, rue de l’Ancienne Comédie, faisant le bonheur d’un cafetier italien nommé Procopi. Ce dernier, qui venait de racheter l’établissement juste en face de la future Comédie-Française, vit fleurir ses affaires grâce au public qui sortait de la célèbre salle de spectacle toujours plus achalandée.

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La salle du jeu de paume des Tuileries,
aujourd'hui Galerie Nationale du Jeu de Paume
(rattachée au musée d'Orsay).

Aujourd’hui, ces salles de jeu de paume n’existent plus. Les deux seules encore visibles à Paris sont celle des Tuileries, bâtie sous Napoléon III mais qui devint dès 1909 un lieu d’exposition artistique, et celle, privée mais toujours en activité, qui se trouve au 74 ter, rue Lauriston, et qui ouvrit en 1908. Cependant la fameuse salle de Versailles, théâtre du serment prêté par les députés des États généraux le 20 juin 1789, existe toujours et ouvre régulièrement au public puisqu'elle abrite depuis les années 1880 un musée commémorant l'évènement.

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