Le Procope


Quartier général des Ultra-Révolutionnaires

Vous êtes dans une rue où le bouillonnement intellectuel n'a jamais cessé, du XVIIème siècle jusqu'à la Révolution. La Comédie Française, installée au n° 14 en 1689, va faire vivre le quartier dans l'effervescence des jours de représentation : des cafés bruyants s'installent en face où l'on se retrouve avant ou après les spectacles et, pourquoi pas, pendant. Le Procope est l'un d'eux et devient rapidement une des principales buvettes du Théâtre. Ce célèbre Café fut fondé en 1686 par Francesco Procopio dei Coltelli, originaire de Palerme qui avait été commis chez l'Arménien Pascal à la Foire Saint-Germain, où fut introduit le café pour la première fois en France. Au Procope, on  servait des cafés « à la Turque », des liqueurs, des glaces et des sorbets italiens.

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Le café « Procope », rue de l'Ancienne-Comédie,
Gravure, vers 1850.

Sa célébrité ne cessera de croître puisqu'il deviendra, vers 1740, le rendez-vous des Encyclopédistes, Diderot, D'Alembert et aussi Voltaire et Rousseau. Les esprits les plus brillants du siècle des Lumières vont défiler ici, ceux qui vont ébranler l'édifice de la société d'Ancien Régime en la remettant en question. Le jaillissement des idées, la soif de savoir, le besoin de liberté, seront le prélude aux bouleversements qui s'annoncent. Entrez dans le Café pour toucher du doigt le cadre de ce bouillonnement. Le bureau de Voltaire qui se trouve au premier étage fut le cadeau d'un de ses admirateurs et disciples, et non des moindre, le Roi Frédéric de Prusse, un des despotes éclairés.

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Jean Huber, "Le Souper des philosophes", Estampe, XVIIIe siècle.

Ce cadre était prêt pour ceux qui, à la suite des Philosophes, allaient achever d'ébranler l'édifice de la société d'Ancien Régime et d'en faire table-rase. Les grands acteurs de la Révolution firent du Procope leur quartier général : Danton, Marat, Fabre d'Eglantine, Camille Desmoulins, Billaud-Varenne, le boucher Legendre, Hébert, les Cordeliers, les Jacobins, les Montagnards, tous ces esprits de la Révolution  qui vont réussir  à « décapiter » l'Ancien Régime. Non seulement l'Ancien Régime sera décapité, mais seront aussi décapités tous ceux qui ne voudront pas aller assez loin pour faire « table rase » de toutes les scories de ce vieux monde et voudront s'arrêter à une Révolution juridique et bourgeoise en s'opposant à une Révolution sociale et populaire.

La condamnation à mort de Louis XVI  et la chute des Girondins, plus provinciaux, fédéralistes et modérés, face aux Montagnards, parisiens, centralisateurs et extrémistes, seront deux étapes irréversibles dans le cours du processus révolutionnaire. 

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Jean-Frédéric Wentzel, "Les Girondins", Estampe, XIXe siècle.

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Paul Delaroche, "Le dernier adieu des Girondins, le 31 octobre 1793", Paris, Musée Carnavalet, 1856.

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Henri Félix Emmanuel Philippoteaux, "Le dernier banquet des Girondins", Vizille, Musée historique de la Révolution française, vers 1850.

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Charles Ronot, "Les derniers montagnards",  Vizille, Musée historique de la Révolution française, 1882. L'insurrection du 1er prairial an III (20 mai 1795).

Qui sont ces ultra-révolutionnaires ?  Dans la nouvelle assemblée, les Girondins, au nombre de 160, représentaient la Province et la moyenne bourgeoisie et étaient opposés à la Commune insurrectionnelle de Paris et aux clubs jugés trop extrémistes : leurs principaux leaders étaient Brissot, Pétion, Roland (ministre de l'Intérieur) : ils finiront par être éliminés. Au contraire, les Montagnards, au nombre de 140 (nommé ainsi parce que siégeant sur les bancs les plus hauts à la Convention), vont s'appuyer sur la Commune insurrectionnelle de Paris qui s'appuyait elle-même sur les sectionnaires de Paris, les chefs de sections ou de quartiers qui, à la demande, soulevaient la « rue » (les Sans–culottes) pour faire pression sur la Convention. Ces « journées » ont ponctué le cours et le rythme de la Révolution. D'origine bourgeoise mais proches des Sans-Culottes, (les basses classes de la société, ouvriers, artisans, petits commerçants), ils étaient souvent membres du club des Cordeliers voisin ou des Jacobins. Leurs principaux représentants étaient  Robespierre, Danton, Desmoulins et Marat. C'est ainsi que, sous la pression des Sans-Culottes et de la Commune insurrectionnelle, les Girondins seront éliminés par les Montagnards en juin 1793.

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Anonyme, "Sans culottes menaçant les Girondins le 31 mai 1793", Paris, Musée Carnavalet.

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"Citoyen sans-culotte", Bibliothèque Nationale de France, estampe, 1789.

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"Citoyenne sans-culotte", Bibliothèque Nationale de France,estampe, 1789.

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"Tremblez aristocrates, voilà les bouchers", estampe dessinée par Duchemin, gravée par Hurard, Paris, Bibliothèque Nationale de France, 1790.

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Anonyme, "Jacques Pierre Brissot de Warwille", Paris, Musée Carnavalet.

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Nicolas Colivert, "Jean Marie Roland ministre de l'intérieur", estampe, 1792-1793.

Au bout de la rue de l'Ancienne Comédie, traversez le Boulevard Saint-Germain : vous apercevez devant la station de Métro la statue de Danton. Elle marque l'ancienne entrée du Cours Saint-André et le n°1 qui était le domicile de Danton, avant le percement du boulevard. C'est là qu'il fut arrêté le 5 avril 1794.

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